Chronique

Schouten, Courtois, Janssen

VOSTOK : Remote Islands

Fie Schouten (bc, cl, basset horn), Vincent Courtois (cello), Guus Janssen (p, org, harmonium, harpsichord) + Giuseppe Doronzo (bs).

Label / Distribution : Relative Pitch

Ce trio longuement et totalement improvisé dirigé par la clarinettiste néerlandaise Fie Schouten s’inspire de L’Atlas des îles perdues de l’autrice allemande Judith Schalansky (au savoureux sous-titre où je n’ai jamais mis les pieds et où je n’irai certainement jamais), qui présente à travers un livre joliment mis en page des textes et des illustrations mentionnant des bouts de rochers égarés au milieu des océans de ce monde.

La pratique qu’a Schouten de la musique contemporaine, doublée d’une volonté de se confronter à l’acte de création dans le vif de l’instant, crée une synthèse originale que renforce la présence du pianiste néerlandais Guus Janssen, également familier de ces deux univers - compositeur d’opéra et partenaire de Lee Konitz pour choisir l’éventail le plus large de son travail - ou du violoncelliste Vincent Courtois, qu’on ne présente plus ici.

Chaque partie évoquant une île est ainsi l’occasion d’entendre une petite forme apparue dans le moment de son invention, et dans laquelle les voix se croisent avec nuance. Quelques traits appuyés sont mis en perspective par la voix perdue du violoncelle tandis que le piano, vêtu de silence, n’interviendra que lors d’instants justifiés et ponctuera d’un chapelet de notes éparses la ligne biaisée d’une mélodie incertaine.

Ce n’est pas la moindre qualité de cette formation que de laisser du suspens et de l’espace dans l’imaginaire sonore qu’elle convoque. La liberté de création invite bien à investir tous les territoires, mais le bagage commun issu de la littérature classique dans laquelle piochent les musiciens leur sert à décrire de belles pages fortement évocatoires.

La présence, sur trois pistes, du baryton Giuseppe Doronzo renforce le sentiment orchestral en restant, là encore, dans la retenue du geste. Organisation parcimonieuse des interventions, délicatesse des phrases, couleurs monochromes aux nombreux reflets sont les variables d’un voyage qui, s’il se cherche, semble ne jamais s’égarer. Les lointains évoqués dans le titre de l’ouvrage sont des îles sonores qui n’existeront plus qu’enregistrées, comme un souvenir d’un monde où personne ne retournera jamais, mais dont le souvenir s’inscrira dans la mémoire. 

par Nicolas Dourlhès // Publié le 17 mars 2024
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