Chronique

Carla Bley

Carla’s Christmas Carols

Carla Bley (p), Steve Swallow (b), Partyka Brass Quintet : Tobias Weidinger (tp, bugle, glockenspiel), Axel Schlosser (tp, bugle, carillon), Christine Chapman (cor), Adrian Mears (tb), Ed Partyka (tb basse, tuba).

Il y a deux manières de considérer ce disque, sorti fin 2009. Soit on se remémore le parfum révolutionnaire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden ou les deux belles heures avant-gardistes d’Escalator Over The Hill, ce qui peut conduire à une sorte de désappointement perplexe face à ces Carla’s Christmas Carols (Watt) - car, comme leur nom l’indique, on a là des arrangements de chants de Noël, assortis de quelques compositions originales sur le même thème, soit on considère l’évolution artistique de Carla Bley, dont les récentes productions [i] démontrent une quête de l’épure qui la conduit aujourd’hui à exprimer son art avec une grande économie, sans se départir de son incomparable élégance [1].

Ce beau disque est né d’un concert donné à Essen par Carla Bley et son compagnon Steve Swallow (dont le jeu de basse est un enchantement de chaque instant) en compagnie du Partyka Brass Quintet au mois de décembre 2006. Il y eut ce soir-là comme un coup de foudre entre les musiciens, au point que la pianiste ressentit le besoin de prolonger l’expérience sous la forme d’un enregistrement en décembre 2008 au Studio La Buissonne de Pernes-lès-Fontaines (Vaucluse) [2].

Aux antipodes de toutes les « kitscheries » pseudo-musicales de fin d’année et de leurs grelots agités par de vieux rennes fatigués, ces Carla’s Christmas Carols existent par eux-mêmes, indépendamment de toute idée de célébration religieuse [3] et nous enchantent par leur climat apaisé. Cette douceur continue du duo Bley / Swallow, magnifiée par le tapis de velours tissé par les cuivres du quintette d’Ed Partyka, échappe aux pièges classiques de ce genre de reprises pour mieux en souligner le caractère intemporel. S’ils peuvent s’écouter tout au long de l’année, on n’oubliera pas de les placer près du sapin au moment opportun, ils en seront les compagnons élégants. La classe, quoi !

par Denis Desassis // Publié le 12 avril 2010

[iThe Lost Chords (Watt – 2004) et The Lost Chords Find Paolo Fresu (Watt – 2007).

[1Voir sur Citizen Jazz : Carla Bley, monstre sacré du jazz.

[2Deux compositions de l’album, « O Holy Night » et « Joy To The World » ont par ailleurs été enregistrées live à Berlin quatre jours plus tôt.

[3Même si le père de Carla Bley, d’origine suédoise, était professeur de piano, mais aussi chef de chœur, ce qui pourrait éclairer en partie la genèse du disque.