Alors que l’orchestre Tous Dehors du multianchiste Laurent Dehors va bientôt fêter ses 30 ans, le grand format normand a bien entendu considérablement évolué. Mise de côté pendant quelque temps au profit d’un travail au long cours avec son ami, le pianiste Matthew Bourne présent ici, la formation a pris un sacré coup de jeune, avec un renouvellement quasi-total. C’est ce qui a sans doute résonné lorsqu’il s’est agi de trouver un titre à ce nouveau spectacle : OK Boomer, donc, titre qui s’impose d’autant plus que l’on y entend sa fille, la remarquée tromboniste Rose Dehors (ONJ Jeunes) et de nombreux musiciens de sa classe d’âge, à commencer par le percussionniste et électronicien Eliot Foltz à qui l’on doit beaucoup du nouveau son de Tous Dehors (« Range tes jouets »). Les deux en compagnie de deux briscards de l’orchestre, le batteur Franck Vaillant et le tubiste Michel Massot.
Allons tout de suite à l’essentiel : on retrouve avec OK Boomer tout ce qui a fait le charme de Tous Dehors pendant trois décennies. C’est évident dès « Charleston » qui fait le pont entre les époques et où l’on découvre parmi les soufflants la saxophoniste Céline Bonacina, nouvelle venue dans la galaxie dehorsienne, mais on sent globalement du répondant et de l’envie de jouer, dans toutes les acceptions du mot. Les plus anciens se souviendront peut-être du fondateur Dommage à Glenn : on goûte à nouveau à cette fraîcheur et ce côté turbulent parmi les treize pupitres. « Heureux » en est la plus belle signature : la musique pétille, reste dans la ligne tout en la rudoyant gentiment, mais c’est bien avec « Disque Jockey » que l’on retrouve le Tous Dehors qu’on aime et ses carambolages heureux entre musique populaire et savante, entre danse et complexité dans une ambiance foutraque qui mobilise un talent d’architecte évident, bien appuyé par les deux jeunes flûtistes de talent, Fanny Martin et Christelle Raquillet.
Le talent de Laurent Dehors est de toujours mettre en avant ses musiciens, de les sortir de leur zone de confort pour mieux les sublimer. C’est ainsi que le guitariste Gabriel Gosse, phénomène de technique, parvient toujours à se glisser dans un moule taillé à sa mesure, ou que Matthew Bourne survole le disque comme un ange gardien patient… Ailleurs, et notamment sur « I Wanna Boo on The Beach », surf-rock bancal où Love Story explose on ne sait comment, c’est l’ensemble de l’orchestre qui s’illustre, soufflant un vent de fraîcheur des plus réjouissants.