Tribune

Marcel Papaux, l’élégance nous quitte

Hommage à Marcel Papaux, batteur récemment disparu


Marcel Papaux © Hélène Collon

Figure de la scène suisse et originaire de Fribourg, le batteur Marcel Papaux s’est fait rapidement une place dans le jazz européen, notamment au sein du Big Band de Lausanne qui lui a permis de jouer avec Toots Thielemans ou Fred Hersch. Synonyme d’élégance et de discrétion, Papaux a ensuite fait la grande rencontre de sa carrière musicale avec le pianiste Jean-Christophe Cholet au début des années 2000, après de nombreuses collaborations étasuniennes. Il nous a quittés au début de ce mois de décembre.

En 1988, quand Marcel Papaux rejoint le Big Band de Lausanne dirigé par Yvan Ischer (il y sera remplacé par Marc Erbetta en 1997), il est tout neuf dans le jazz, mais son jeu, très sensible et coloriste, l’appelle déjà vers des formations plus resserrées, où il peut fait preuve de toute sa sensibilité. La pulsation est une chose importante dans le jeu de Papaux, mais c’est davantage la nuance, la douceur, l’effleurement qui constitue son jeu particulièrement reconnaissable. En 2009, on l’a notamment entendu avec le batteur Alain Tissot dans un Drumming Duo extrêmement dense où la palette de Papaux offre beaucoup de nuances. Dans les années 2000 également, il fonde Room 02 avec Luc Müller, Nicolas Monguzzi et Roberto Titocci ; dans le même temps, il est membre de l’incroyable projet The Drummers de Pierre Favre, qui constitue une véritable confrérie et un culte du jeu.

Dans les années 90, Marcel Papaux travaille régulièrement avec le guitariste Harald Haerter, qui va l’emmener dans de grande tournées américaines. Avec Dewey Redman et Michael Brecker, Papaux adopte un jeu plus puissant, collant à l’époque, dans un disque resté fameux, Cosmic, paru en 1996. Aux USA, il croisera également Ellery Eskelin et Joe Lovano. Dans le même temps, le fribourgeois s’offre des plages de plus grande liberté avec le contrebassiste Banz Oëster. C’est cette même liberté qui l’amènera à travailler plusieurs années plus tard avec le bouillonnant trompettiste helvète Manuel Mengis et le claviériste Hans-Petter Pfamatter, et à utiliser son jeu très coloriste aux côtés du pianiste Christoph Stiefel ou du bugliste Matthieu Michel.

Mais la grande affaire de Marcel Papaux, c’est bien le trio qu’il animait depuis le début de ce siècle avec le pianiste Jean-Christophe Cholet et le contrebassiste Heiri Känzig. S’il ne semble pas nécessaire de revenir sur un orchestre que nous suivons avec fidélité depuis ses débuts discographiques, il convient sans doute souligner en quelques mots quelle poésie, quelle incroyable douceur qui revient à Marcel Papaux dans L’Hymne à la Nuit ; ce disque du trio avec l’ensemble Arsys Bourgogne et Elise Caron, où le rôle du batteur, au milieu du chœur est particulièrement délicat, dans tous les sens du terme. Paru en 2011 sur le label La Buissonne, cet hommage à Rainer Maria Rilke reste l’un des disques les plus puissants de ces dernières années. L’absence de Marcel Papaux nous plonge dans une profonde tristesse.