Chronique

Jean-Christophe Cholet & Matthieu Michel

Whispers

Jean-Christophe Cholet (p), Matthieu Michel (flh), invités : Didier Ithursarry (acc), Ramon Lopez (perc)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Jean-Christophe Cholet, c’est un fait établi, aime autant la Suisse que le Vienna Art Orchestra (VAO). Avant de se pencher sur le Tombeau de Poulenc en compagnie d’Alban Darche et de Matthias Rüegg, l’âme du VAO [1], le pianiste entretenait des relations avec le contrebassiste Heiri Känzig, un autre pilier de l’orchestre, au sein du trio CKP. C’est donc en toute logique qu’il poursuit sa revue des pensionnaires du défunt VAO en rencontrant pour le label La Buissonne le bugliste Matthieu Michel qui a lui-même longtemps joué en quintet avec le batteur Marcel Papaux. Le P de CKP.

Entre ces deux musiciens délicats, nul besoin de round d’observation. Ils se connaissent, ont la même cartographie intime où le classique prend grand’place, en témoigne le debussyen « Zemer  » au pointillisme presque inquiétant. La main gauche de Cholet est puissante mais économe, sa main droite se promène au gré du vent. On erre en pleine rêverie. Sur les compositions de Cholet comme « Le tour de Marius », l’entente est immédiate. Tout est parcimonieux, caressant, avec beaucoup d’espace laissé au silence et à l’écoute mutuelle. Whispers porte bien son nom  ; c’est effectivement une gamme entière de chuchotements qui circule entre piano et bugle. Du mot doux susurré de « Fair  » jusqu’aux murmures dans la pénombre inquiète de « He’s Gone  », un morceau de Charlie Mariano qui figurait sur l’album du saxophoniste avec le CKP.

Le duo piano-trompette ou piano-bugle a ses canons. L’approche très wheelerienne de Michel, qui n’est pas neuve mais se concentre ici dans le magnifique « Onnance  », fait songer instantanément à l’alliance entre le regretté canadien et le non moins pleuré John Taylor. Plus encore, peut-être, que lorsque le bugliste jouait, dans une configuration similaire, avec Uli Scherer. Paradoxalement, c’est quand le duo invite l’accordéoniste Didier Ithursarry et le percussionniste Ramon Lopez sur de nombreux titres que cette esthétique est la plus prégnante, tant les convives viennent faire écho aux dialogues débutés. Ainsi, le justement nommés « Junction Point  », offre un subtil jeu de timbres entre cuivre et soufflets sur lequel le piano construit toutes sortes de climats apaisés mais changeants. Whispers est une bulle de quiétude et de poésie. Une clairière loin du trouble. On s’y arrête volontiers.