Chronique

Chuffdrone

Mosaik

Lisa Hofmaninger (ss, bcl), Robert Schröck (as, ts, cl), Jul Dillier (p), Judith Ferstl (b), Judith Schwarz (dms)

Label / Distribution : ORF

Repéré il y a quelques temps dans de nombreux festivals, le quintet autrichien Chuffdrone donne de ses nouvelles. Après un Re>Actio paru pendant les périodes de confinement, qui faisait regretter de ne pouvoir immédiatement découvrir sur scène l’orchestre emmené par la multianchiste Lisa Hofmaninger, voici Mosaik. Et c’est sans doute le titre qui définit le mieux cette musique à la boussole affirmée et pourtant multidirectionnelle ; dans « Mimikry », écrit par l’excellente batteuse Judith Schwarz, le panorama est large. La clarinette basse de Lisa Hofmaninger crée une atmosphère profonde, vite exploitée par une base rythmique solide, à commencer par la contrebasse de Judith Ferstl. Mais le climat ne cesse d’évoluer, la batterie de Schwarz se révélant fort coloriste. La mécanique est subtile et permet toute liberté aux soufflants. Entre citations avortées et relances dynamiques, le saxophoniste Robert Schröck est souvent en pointe, à l’instar du remuant « Fujin » dont il est l’auteur.

Si Chuffdrone est un projet mené par Hofmaninger, le rôle de Schwarz est primordial. De Little Rosies Kindergarten, projet en grand format, jusqu’au simple duo, les deux musiciennes travaillent souvent ensemble, et cette complicité se retrouve au coeur de nombreux morceaux. Sur « Unpause », alors que le dialogue débute entre la batterie et le piano de Jul Dillier, c’est très vite la clarinette basse qui vient s’installer dans une construction subtile mais omniprésente. Si l’orchestre peut aller où il veut, c’est parce que des fondations solides le maintiennent : ainsi le léger « Paris-Meienberg », danse intime des soufflants, ne doit-il son atmosphère qu’au travail complexe de la batterie et à l’ensemble de la base rythmique. Le rôle d’Hofmaninger est à ce titre franchement intéressant par ses aller-retours continuels entre les tâches rythmiques et les explosions soudaines. Le résultat est immédiat : un sentiment d’étourdissement. Chuffdrone sait nous amener où il le souhaite.

Mosaik est l’exemple de la vivacité de la scène autrichienne, encore trop méconnue dans l’Hexagone. Le plus abstrait « Aika », qui clôt cette belle Mosaik, permet d’en juger. Ici, c’est la contrebasse boisée de Ferstl qui mène les débats, toujours soutenue par une batterie volubile tout en restant subtile. Dans un propos foncièrement contemporain, les musiciens semblent venir de toutes parts pour converger en un point central, très dense. Véritable réussite, Chuffdrone est une belle carte de visite de Vienne, qui nous fait découvrir d’excellents musiciens.