Chronique

Viktor Tóth Arura Trio

The Present / Szemed Kincse

Viktor Tóth (ts), György Orbán (b), Miklós Lukács (cymbalum)

Label / Distribution : BMC Records

Repéré très tôt comme l’un des plus vibrants espoir de la scène hongroise, le saxophoniste Viktor Tóth, qui s’illustre a l’alto, a vite su imposer un style fortement influencé par Ornette Coleman. On l’a vu ces dernières années confronter son timbre incisif à de nombreuses esthétiques. Ce fut notamment le cas avec Popping Bopping, où il rencontrait les abstractions électroniques chères au trompettiste belge Bart Maris. On l’a vu aussi dans l’excellent Tartim, aux côtés du batteur Hamid Drake et du contrebassiste Matyas Szandai, qui fut pendant longtemps son comparse.

Avec Szemed Kincse, Tóth aborde de manière différente son travail en trio. Avec le contrebassiste György Orbán, un des pilier des orchestres de Bela Szacksi Lakatos, et le fameux joueur de cymbalum Miklós Lukács, il propose une formule sans batterie, lyrique et très ouverte, où son jeu, plus chaleureux, fait songer à Lee Konitz. Sur « Barta Bertalan Dala » la contrebasse, sèche et profonde, est le pivot de la discussion entre l’alto et le cymbalum. Il émane une grande douceur du jeu de Tóth, que son comparse semble caresser d’un voile langoureux. Il ne faudrait pourtant pas s’imaginer que le saxophoniste a mis sa puissance de côté le temps d’un disque : sur le nerveux « Brillant Steps », les cordes frappées du cymbalum stimulent l’alto avec brio.

Lukács tient un rôle qui pourrait être celui du piano, mais le timbre particulier de son instrument transporte le trio dans une atmosphère ouatée où sa capacité à passer de la mélodie à la rythmique libère la contrebasse, qui s’offre de brillants soliloques (« First & Second »). On pourrait penser que le cymbalum apporte une patine « hongroise » à une construction jazz des plus classiques ; fort heureusement, le jeu toujours malléable de Lukács évite toute tentation « world » pour offrir à Viktor Tóth, qui signe tout les morceaux, une palette de timbres plus large. C’est à peine si l’on décèle un certain orientalisme dans le beau « Remember The Hatseller », où l’instrument retrouve sa tradition percussive.

Enregistré live début 2014 à l’Opus Jazz Club de Budapest, Szemed Kincse, est une bande-son fidèle des nuits de la capitale d’empire, douce et ouverte, bouillonnante et gonflée de nostalgie. Un beau cadeau de Budapest Music Center.