Chronique

Daniel Studer

Extended For Strings & Piano

Harald Kimmig (vln), Frantz Loriot (vla), Alfred Zimmerlin (cello), Daniel Studer (b), Philip Zoubek (p)

Label / Distribution : Hat Hut

Daniel Studer anime avec Alfred Zimmerlin et Harald Kimmig un trio à cordes qui s’intéresse au cœur du son. À sa palpitation. À son intimité. On avait vu dans Raw, il y a quelques années, une confrontation avec John Butcher. Avec le souffle, avec le cri, dans des images précises impulsées par le saxophoniste, chaque morceau était un tableau. Extended For Strings & Piano est une autre dimension : moins concrète, plus abstraite, presque vaporeuse. « Verba 3 » est un flux où le piano de Philip Zoubek interroge le langage, la distribution entre les cordes, dont il rappelle, les mains dans le moteur, qu’il est membre de la famille.

Nécessairement, poser ces questions vient à se rapprocher de la musique contemporaine. Ce qui ne fait rien perdre en immédiateté : « Motus » clôt l’album comme un pied de nez, dans un déluge de cordes, une averse insensée qui fait tanguer la boussole. Cette forme, différente des morceaux plus longs où l’écoute mutuelle et le dessein collectif prédominent (« Operandi » qui permet de mettre en valeur la présence naturelle de Frantz Loriot qui se mesure au bois du piano), met en avant une stridence qui oblitère parfois le grain de la corde et de l’archet pour allier une parole libérée et explosive. Comme si la forme voulue par Studer pouvait voler en éclats à chaque instant.

Car, avec le renfort de Loriot dans l’orchestre, on se retrouve face à un quatuor à cordes contemporain avec un piano qui pourrait faire penser à de la musique de chambre. Une chambre pleine d’espace et d’écho, faite de bois brut et de béton brossé, avec des recoins d’où peuvent surgir des rebonds inconstants, mais une chambre. Ce n’est pas sans une forme d’humour d’ailleurs que Studer propose trois mouvements à « Bagatelle » qui écartent toute velléité de joliesse ou de légèreté pour se focaliser sur la structure des instruments, sur leur corps, sur leur surface vibrante. Voilà qui ne manque pas d’une sensualité qui se niche pourtant dans un écrin complexe. Qui se mérite.