Chronique

Peter K. Frey & Daniel Studer

Zurich Concerts

Peter K. Frey (b), Daniel Studer (b) + invités

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

Il y a vingt ans d’écart entre les contrebassistes suisses Peter K. Frey et Daniel Studer, mais une même passion de l’instrument les anime. L’entièreté de la contrebasse, de la patine du bois qui chante sous la paume aux cordes où s’intercalent des objets de tailles diverses ; jusqu’aux archets de tout crin. Pour le premier, né en 1941, sa proximité avec la frontière allemande lui a offert de croiser dans les années 70 la fine fleur de la scène improvisée du secteur ; c’est ainsi qu’on a pu le voir avec Connie Bauer et Günter Baby Sommer, mais aussi avec Albert Mangelsdorff ou sa compatriote Irène Schweizer. Pour le second, la vivacité de la scène zurichoise lui a permis de rencontrer de longue date le tromboniste Giancarlo Schiaffini (que l’on retrouve ici dans « +HKGS_2 », douce errance pleine d’amitié réciproque), mais aussi de s’illustrer dans le trio de Gabriella Friedli.

Voici quinze ans que le duo existe. Pour célébrer cet événement, ils ont invité toute sorte de vieux compagnons. Non pas pour jouer tous ensemble, mais pour s’offrir des plages de liberté, souvent longues, qui se laissent le temps. Le double album Zurich Concerts voit défiler une impressionnante dream team de la musique improvisée. Captés entre septembre 2013 (ténébreux échos d’une plongée dans les tréfonds du piano de Magda Mayas) et mars 2014 (orgie de sons dans le septet composé de la basse électrique de Jan Schlegel, du piano de Jacques Demierre, de la clarinette basse de Hans Koch, du violon de Harald Kimmig et du violoncelliste Alfred Zimmerlin), chaque morceau est une remise en question qui pousse l’exploration un peu plus loin.

Certains titres pourraient constituer à eux seuls un disque à part entière, tant l’atmosphère est singulière. Ainsi, la demi-heure passée avec John Butcher sur le second album offre beaucoup de place aux deux contrebassistes, que le saxophoniste souligne voire densifie sur la durée. Parfois, on est un peu frustré de ne pas passer plus de temps avec les musiciens : de très loin, « +GH » avec Gerry Hemingway est le sommet de ces concerts, et nonobstant ses plus de vingt minutes, on en voudrait davantage car cet échange est fort intense. Le percussionniste se niche au pic de la tension au sein du duo pour mieux exacerber les passions. C’est sans doute la meilleure des raisons pour se procurer cette remarquable collection de timbres qui dit beaucoup de la vitalité de la musique improvisée européenne.

par Franpi Barriaux // Publié le 15 janvier 2017
P.-S. :

invités : Giancarlo Schiaffini (tb), Magda Mayas (p), Jan Schlegel (b), Jacques Demierre (p), Hans Koch (bcl), Harald Kimmig (vln), Alfred Zimmerlin (cello), John Butcher (as), Gerry Hemingway (dms, perc), Michel Seigner (g), Christian Weber (b)