Studer / Zimmerlin / Kimmig / Butcher
Raw
Daniel Studer (b), Haral Kimmig (vln), Alfred Zimmerlin (cello), John Butcher (ts, ss)
Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra
Il y a quelques semaines, nous évoquions la longévité du duo réunissant les contrebassistes Peter K. Frey avec Daniel Studer. Ces derniers compilaient des rencontres avec des musiciens amis, principalement des compagnons de Studer, très impliqué sur la scène improvisée européenne. C’est notamment le cas avec sa formation à cordes l’unissant au violoniste Harald Kimmig et au violoncelliste Alfred Zimmerlin. Cet orchestre entièrement suisse propose une musique de chambre déconstruite où le son rendu à l’état de nature s’ensauvage au moindre effleurement. C’est exactement le sentiment qui nous saisit sur « A Short Night With a Light Beam of The Moon », lorsqu’entre deux épaisses nappes de silence, les archets du violon et du violoncelle frisent légèrement à la surface. Voici l’ambiance de Raw, nouvel album paru sur le label Leo Records où le trio est rejoint par le saxophoniste britannique John Butcher, tout en ronflements et en claquements. Ce petit monde se côtoie et discute depuis longtemps. On les retrouvait déjà tous sur les Zürich Concerts.
Raw. Brut, voire abrupt, le disque l’est totalement. Capté en live à Munich en 2015, il ne cède pas de place inutile à la joliesse ou à l’harmonie travaillée ; décharnés et sans concessions, les paysages abstraits ne se créent pas à force d’explosions et de colères. C’est une construction de l’instant où les musiciens se confrontent à des circonstances parfois peu mobiles. Les rares fois où le ténor élargit sa domination sur ses hôtes, l’archet du violoncelle tente de parlementer avant de se laisser aller aux coups de boutoir. Butcher et Studer sont un axe infrangible autour duquel tourne Kimmig et Zimmerlin, bien plus évanescents. Sur « Morning Star Shining on Hydrangea », cette relation forte tourne à la collusion, à une véritable communion de timbre qui commande de lâcher prise.
Ce trio augmenté propose quatre instantanés, autant d’images qui se veulent extrêmement précises dans leurs descriptions, mais évoquent pourtant des silhouettes un peu floues qui autorisent l’imagination à divaguer. On songe à ce So Beautiful, it Starts to Rain que Butcher avait enregistré il y a quelques années avec le batteur Ståle Liavik Solberg. Cette capacité à suggérer la force impassible de la nature en une poignée de sons est fascinante, en dépit de l’aridité omniprésente. Sans doute parce que la plus infinitésimale mutation peut soudainement tout chambouler. C’est l’inattendu qui fabrique la puissance inéluctable de Raw. C’est aussi ce qui rend ce disque séduisant.