Scènes

Darrifourcq, Pohjola & Tikkanen s’emparent du Koko Jazz Club

Verneri Pohjola et Eero Tikkanen, qui avaient eu l’occasion de voir Sylvain Darrifourcq en concert, s’étaient dit qu’il fallait jouer avec ce batteur. Et Jazz Connective #3 est arrivé à point pour offrir à ce trio leur premier – et encore unique – concert.


Verneri Pohjola, Eero Tikkanen et Sylvain Darrifourcq par Maarit Kytöharju

Avec ses chaises disposées autour de guéridons, ses nappes blanches et ses bougies, le Koko Jazz Club d’Helsinki avait choisi une robe d’apparat très classique. A l’ancienne, pourrait-on dire. Reste qu’en cette toute fin octobre, la salle, surannée ou pas, a été secouée comme un cocotier en accueillant le trio Darrifourcq/Pohjola/Tikkanen.

Après un premier concert du trio très décomplexé de la claviériste polonaise Joanna Duda qui, en compagnie de Maxymilian Mucha et Sławek Koryzno, a envoyé un set organisé dans un systématique va-et-vient entre musique acoustique et électronique, la soirée est largement entamée et le public déjà conquis.

C’est alors que le batteur Sylvain Darrifourcq, le trompettiste Verneri Pohjola et le contrebassiste Eero Tikkanen se sont emparés de la scène. Emparés, car c’est bien une conquête de l’espace et du temps que les trois musiciens ont menée, comme en témoignaient les signes de stupéfaction du public, d’un bout à l’autre de ce génial concert.

Verneri Pohjola, Eero Tikkanen et Sylvain Darrifourcq par Maarit Kytöharju

La forme est essentiellement acoustique même si Verneri Pohjola utilise quelquefois l’électronique. Mais surtout, le trio franco-finlandais est plus sec, plus brutal, plus sauvage aussi. La configuration sans instrument harmonique y contribue sans aucun doute. Mais ce n’est pas que ça. La batterie de Sylvain Darrifourcq y est pour beaucoup, son jeu plus dur, plus fort, plus mitrailleur aussi, tandis que celui de Verneri Pohjola est à la fois révolté et mélodique. Non pas que sa trompette tonne (encore que) ou qu’elle barrisse (pourtant parfois…). Non qu’elle soit dissonante, au contraire. Mais il y a de la colère dans son jeu. On ne s’étonne pas que le trio commence son set avec « Killer Conversation ». Un titre programmatique s’il en est. Mais, même sans aller jusqu’à ces extrémités, le trio a quelque chose de déchaîné, une virulence irascible que lui donnent quelques pincées de rock bien placées comme il faut. « Il Maleki » n’y change rien : cette ballade pleine d’émotion s’envole sous les crissements et le volume que lui donne Sylvain Darrifourcq – un jeu de soliste tandis que Verneri Pohjola et Eero Tikkanen donnent la structure. Une ballade certes, mais emplie elle aussi d’une colère furieuse, bien entendu contenue – on est entre gens polis et les chaises n’ont pas volé – mais que l’on sent à deux doigts d’éclater. Le Koko Jazz Club en est sorti lourdement sonné sous les coups.

Le concert s’arrête. Faute de répertoire, avouent les musiciens à regret. Ils cèdent toutefois à une improvisation, histoire de mettre tout le monde d’accord. Sauf le Koko qui, groggy, a paraît-il mis du temps à reprendre ses esprits.