Entretien

David Linx

Choisissant dans sa foisonnante actualité, David Linx évoque l’album « Follow The Songlines », co-signé avec Maria João, Mário Laginha et Diederik Wissels.

« La Tectonique des Nuages » de Laurent Cugny est sorti en décembre 2010, et en avril 2011 est prévu un nouvel album avec Rhoda Scott. En septembre il donnera sa version de « Porgy And Bess » avec le BJO. Ensuite, il y aura des projets avec Gonzalo Rubalcaba, Angélique Kidjo et le Philarmonique de Philadelphie… entres autres ! Choisissant dans sa foisonnante actualité, David Linx évoque pour l’heure l’album « Follow The Songlines », co-signé avec Maria João, Mário Laginha et son fidèle ami Diederik Wissels.

  • Follow The Songlines a-t-il été écrit pour le sextet ?

Non, il a tout de suite été imaginé pour orchestre symphonique et le sextet. On a donné un concert à Bruxelles à l’occasion de la Journée des réfugiés avec le Vlaams Radio Orchestra à Flagey, il y a trois ans, plus ou moins, puis à Porto et à l’Opéra de Lyon. À Porto, les organisateurs ont beaucoup apprécié et le directeur m’a demandé si un enregistrement était prévu. Je lui ai dit que j’aimerais bien le faire, mais que je ne pouvais pas débourser 20 000 euros par jour pour un orchestre symphonique. Alors, dans le cadre de leur politique d’exportation, ils nous ont “offert” l’orchestre pendant cinq jours ! C’était génial. Mais il me fallait encore trouver l’argent pour le studio, les hôtels, etc.

  • Quelle était l’idée de départ de Follow The Songlines ?

En 2005, le Vlaams Radio Orchestra m’a proposé une collaboration. J’ai pensé y associer Maria João, Mário Laginha et Diederik Wissels pour deux duos piano/voix qui ont beaucoup de points communs. Maria et Mário font au Sud ce que nous faisons au Nord, en quelque sorte. Nous nous sommes donc rencontrés à Lisbonne, en décembre, sur une terrasse, il faisait un temps magnifique, on était face à la mer, on a mangé du poisson et tout s’est enchaîné naturellement. À part son duo avec Lenine ou Gilberto Gil, Maria n’avait jamais tenté ce genre d’expérience. Ça l’excitait. Et puis, cela a tellement bien collé entre nous que c’est devenu une énorme amitié.

  • Qui a décidé de l’itinéraire à suivre ?

Le projet s’appelait d’abord « Songs Of The Americas », donc « des Amériques ». Mais avec George Bush, l’Amérique avait si mauvaise réputation à l’époque que beaucoup m’ont déconseillé ce titre, même si le sujet n’était pas l’Amérique. En fait, j’avais lu Songlines de Bruce Chatwin. Le terme désigne le trajet que les Aborigènes chantaient à leur descendance, comme « mémoire d’itinéraire », pour aller d’une ville à l’autre [Il chante pour illustrer son propos]. L’idée me plaisait beaucoup. C’est donc devenu Follow The Songlines et on a tracé un chemin imaginaire.

David Linx © Jos Knaepen
  • Que voici… [Je lui montre une carte du monde où sont tracés les chemins empruntés par les chansons du disque).

C’est magnifique ! Paradoxalement, on a oublié l’Australie ! On a essayé de composer des morceaux inspirés par les villes. Surtout, sans vouloir faire de la world music. Certains morceaux étaient déjà prêts, comme « Parrots and Lions » ou « Land Of Joy » par exemple ; nous y avons associé les villes a posteriori.

Et j’insiste, il s’agit d’un projet à quatre, même si je l’ai dirigé du point de vue de la « production. » On a déjà trop tendance à oublier Diederik dans le duo que je forme avec lui parce que je suis le chanteur et que je suis mis en lumière. On a fait de même pour Mário par rapport à Maria et c’est injuste. En plus, ici tout est décuplé. Donc, je ne saurais trop insister…

  • Justement, comment vous êtes-vous réparti les tâches ?

C’était un va-et-vient constant entre nous. L’écriture du thème « Follow The Songlines » est arrivé très tôt, de même que « João Song ». J’avais écrit des textes et Diederik des musiques. Mário est venu assez vite avec des titres et de chouettes arrangements. Enfin, il était très important que les orchestrations soient très intégrées, que ce ne soient pas des nappes musicales en fond. Il fallait qu’il y ait une véritable interaction.

La Commission flamande d’aide à la musique, qui m’avait promis une subvention, a tout annulé en plein milieu ! Pour une fois que je lui demande quelque chose…

  • Ce qui n’a pas dû être évident…

Non, Ça a été très difficile à monter, surtout que la Commission flamande d’aide à la musique, qui m’avait promis une subvention, a tout annulé en plein milieu ! Pour une fois que je lui demande quelque chose … Ça m’a rendu furieux. Finalement, ce disque nous l’avons réalisé sans aucune aide à part la Casa da Música de Porto qui nous a donné son orchestre. J’y ai mis de l’argent et deux amis producteurs nous ont aidés, notamment le fils de Claude François et Simon Weber, un ami pour qui je vais mettre sur pied mon propre festival de jazz à Monte Cristi, en République Dominicaine.

Ella Fitzgerald à l’air d’une punk à côté de la plupart des chanteuses d’aujourd’hui.

Là-bas, je serais également responsable culturel de cette « nouvelle ville ». J’ai accepté car ce sera autre chose que d’être tout le temps sur la route. J’ai l’impression que le temps passe beaucoup trop vite, ça va m’ancrer un peu. J’ai quelques projets dans lesquels je m’investis beaucoup, comme Follow The Songlines. Et je ne veux rien lâcher. Ils sont énormes, au sens où ils exigent le dépassement de soi. Un peu comme Baldwin, à mes débuts, ou mon nouveau projet avec le Brussels Jazz Orchestra.

Aujourd’hui, dans un monde où les firmes de disques vont presque à la perte, je trouve que le jazz n’a jamais été aussi peu aventureux, que le jazz vocal régresse. Il y a quelques perles, mais il faut vraiment les chercher, elles ne sont pas mises en évidence. Ce qu’on nous donne à écouter actuellement manque d’ambition. On est dans les années cinquante sans y être. Ella Fitzgerald à l’air d’une punk à côté de la plupart des chanteuses d’aujourd’hui. Donc, monter un tel projet actuellement n’est pas facile. Je me rends compte que Diederik et moi avons vraiment tracé notre propre chemin ; ce qui nous donne à présent une certaine liberté malgré les difficultés économiques.

  • Il s’agit, en plus, d’un double album.

Oui, et les morceaux ne sont pas courts ; il fallait cela. Je suis très content car je viens de signer pour trois disques avec le label Naïve et parallèlement Porgy And Bess avec le BJO.

  • Follow The Songlines est une histoire que vous aviez envie de raconter ? Y a-t-il un « message » que vous vouliez transmettre ?

Il suffit de lire le texte de la pochette et celui d’Arundhati Roy, une de mes écrivaines favorites. Le message pourrait être, en toute humilité : se dépasser ! essayer d’aller au bout de ses rêves. J’ai quarante-cinq ans et je vis une deuxième jeunesse vocale. Je m’en rends compte avec l’enregistrement récent du BJO. Maria João et moi allons créer un opéra à Lisbonne avec six percussionnistes. Je vais prendre des cours de portugais… Je ne me suis jamais senti aussi jeune. Et quand on est jeune, on porte le monde. Quand j’ai fait le Baldwin, j’étais inconscient. Terrifié. J’avais dix-neuf ans. C’est sans doute l’arrogance de la jeunesse qui a pris le pas à cette époque-là.

Je ne me suis jamais senti aussi jeune. Et quand on est jeune, on porte le monde.

  • À ce propos, on a du mal à définir le genre de Follow The Songlines. On est dans le jazz, l’opéra, la symphonie ?

C’est nous. C’est peut-être une amplification de ce qu’on était déjà. Diederik et moi, ou Mário et Maria, avons toujours été des ovnis dans le monde du jazz. Je dis toujours que le meilleur hommage à rendre à la tradition c’est de la perpétuer, mais pour cela, il faut la digérer et avoir le courage, ensuite, de le restituer avec sa personnalité propre. Il ne faut surtout pas s’attarder dans tel ou tel style en disant : « Par respect pour … ». C’est d’ailleurs ce que Miles Davis a fait. Je l’ai connu quand j’habitais chez James Baldwin ou chez Kenny Clarke, des gens qui ont fait évoluer le jazz, qui se sont battus. Si je ne faisais pas ça dans ma vie, je me sentirais lâche d’avoir grandi avec ces gens-là pour ensuite ne rien faire de personnel. Ils ont pris des risques. À 23 ans Baldwin vivait sous les ponts à Paris ! Il faut avoir le courage de tracer sa voie. Cela dit je n’ai rien contre les standards - d’ailleurs, je viens d’en enregistrer un disque avec Rhoda Scott. Tout est dans le « comment » ! Comment utiliser son langage rythmique. Le rythme, c’est tout dans la vie. Pas simplement dans la musique. C’est ce qui te permet d’aller vers l’autre. C’est ta façon de bouger, de respirer, de prendre une décision.

  • De ce point de vue, Maria et vous vous ressemblez.

Oui. Dans le chant mais aussi dans la vie. Je suis étonné de voir que l’on vit de la même façon. On est pourtant assez seuls l’un comme l’autre. C’est un métier solitaire. J’ai lu l’interview d’une actrice américaine qui disait : « Ton parcours ou ta carrière te fait vivre une sorte d’isolement ». Il faut reconstituer son énergie pour pouvoir la restituer en s’améliorant. Avec l’âge, on a de plus en plus besoin de cette énergie, car on veut être le plus précis possible. Pas « clean », propre, mais précis. Miles n’a pas beaucoup changé entre 1948 et 1990. Il a juste approfondi ce qu’il faisait. Et il a su s’entourer du son, de la vie d’une époque. Il n’a jamais corrompu sa musique.

Le meilleur hommage à rendre à la tradition c’est de la perpétuer, mais pour cela, il faut la digérer et avoir le courage, ensuite, de le restituer avec sa personnalité propre.

  • Comment vous êtes-vous partagé le travail, sur cet album ?

Tout s’est fait très naturellement. Avec Maria, je suis très gentleman. Je l’ai remarqué sur le disque : c’est souvent elle qui commence. J’ai vraiment envie que ce soit comme ça, c’est ma princesse, en quelque sorte. On a tous notre chaos dans notre tête, notre façon de nous organiser.

  • Ça ne doit pas être évident de vous suivre, pour un tel orchestre. Par exemple sur « João Song », qui est très scatté, presque improvisé, comment ça se passe ?

Ils suivent ! [rires] On a beaucoup répété avec le chef. Le chef doit être la bonne charnière entre l’orchestre et nous. En Amérique, la tradition est plus directe, c’est un continent plus rythmique. Ici on sent les rallentando, les crescendo… Dans le décompte, le « un » arrive parfois avec un peu de retard. Il faut combler ça, il faut que le chef d’orchestre anticipe. Et pour là, Dirk Brossé a fait un travail formidable.

  • Justement, comment l’avez-vous choisi ? pourquoi ce chef avec l’Orchestre de Porto ?

Ça faisait partie des échanges et de l’équilibre entre et Mário, Maria, Diederik et moi. L’orchestre était portugais et le chef était belge. C’est une question d’organisation. On a deux formules : soit en sextet, soit avec un orchestre symphonique en résidence, comme à Porto ou à Lyon. Dans ce cas-là le chef part plusieurs jours à l’avance répéter avec l’orchestre. Nous, quand on arrive, on fait juste une générale.

  • Comment ont travaillé Mário et Diederik pour orchestrer tout ça ?

Comme des bêtes ! Seuls, d’abord, pendant des mois, à écrire et arranger.

David Linx © Jos Knaepen
  • Maria et toi êtes intervenus à ce moment-là ?

J’ai écrit des textes et Maria aussi. Il fallait qu’il y ait une forme commune. Mais il y a une telle symbiose entre Diederik et moi que tout a coulé de source. C’est quelqu’un qui, aujourd’hui encore, me surprend chaque fois sur scène. Nous n’avons plus besoin de parler. Je crois que c’est pareil entre Mário et Maria. On fait un disque seuls, puis un ensemble. Et toute notre vie on se retrouvera. C’est assez organique entre lui et moi. Bien sûr, il faut qu’on soit rigoureux. L’équipe doit être soudée. C’est une organisation énorme ; je ne pourrais pas refaire ça tout de suite. Ça m’a demandé beaucoup d’énergie. Je m’occupais de « l’exécutif » et j’ai failli abandonner plus d’une fois. C’est comme un petit bateau qui remorquerait le Titanic… sans qu’il coule [rires] ! Et il a failli couler plusieurs fois. Il faut dire que j’avais plein de disques en préparation en même temps, pour moi mais aussi pour d’autres. Mais j’adore ça. Quand on n’a pas eu d’école, l’école c’est maintenant, c’est ce qu’on fait.

  • Il y a les éternels binômes Linx-Wissels et Laghina-João, mais sur le disque, à un moment, vous échangez les rôles.

Oui, il y a un morceau où Maria chante avec Diederik et un autre où je chante avec Mário. C’est un peu symbolique, un hommage mutuel. Quand on a vu Maria et Mário sur scène il y a dix ans, ç’a été la claque. Eux disent la même chose à notre propos. C’est une famille musicale à elle seule. À aucun moment de notre collaboration il n’y a eu de frictions car nous sommes ce que nous sommes. On se comprend sans se parler.

  • À la batterie on retrouve Helge Andreas Norbakken. Qui est-il, d’où vient-il ?

Andreas est norvégien et c’est le batteur de Maria et Mário ; il se sont rencontrés lors d’une émission de télé, je pense. Diederik et moi sommes arrivés avec notre bassiste et eux avec leur percussionniste. C’était bien dans l’idée de l’échange, du « fifty-fifty ». Pour l’orchestre, ç’a été pareil. Et ce qui est bien, c’est que dans l’ensemble, on n’entend pas qui a orchestré quoi. Tout est très homogène.

  • Un seul morceau n’a pas écrit par vous, en fin d’album : une étude de Scriabine. Pourquoi ce choix ?

Parce nous l’avons joué avec Natalie Dessay lors d’un concert à Lyon qui mêlait jazz et classique. Nous avons essayé de ne pas tomber dans le piège de la chanteuse lyrique qui se met au jazz et du jazzman qui chante de l’opéra. On se respecte trop, et on a voulu équilibrer les choses. Il s’agissait aussi d’un arrangement avec grand orchestre. On a voulu le garder.

  • Comment, justement, se passent ces rencontres, comment choisissez-vous les gens avec qui vous voulez chanter, ou partager ces moments ?

Ce sont des gens que j’aime. Avec Lenine, le chanteur brésilien, il y a aussi eu une volonté commune. C’est le projet sur lequel je suis en ce moment avec Rhoda Scott. Je voulais faire un disque avec elle, mais en nous éloignant de ce qu’elle a déjà fait, sans revenir aux standards dans une forme classique. On a enregistré avec Dédé Ceccarelli, Julien Lourau, Nguyen Lê, Paolo Fresu, Steve Houben ; le neveu de Baldwin est venu dire un texte qu’il a écrit sur son oncle. Et Laurent Cugny va arranger quelques cuivres. Diederik a écrit un morceau, aussi…

Je ne travaille d’ailleurs qu’avec les gens que j’aime.

  • Un grand mélange…

Pas du tout, c’est très clair. Ça s’éclaircit toujours car tout est naturel et ce sont des gens avec qui j’aime travailler. Je ne travaille d’ailleurs qu’avec les gens que j’aime. Avec Ibrahim Maalouf, par exemple, et beaucoup avec Nguyen Lê aussi (je chante par exemple sur Songs of Freedom [ACT]). Finalement c’est très simple. J’ai beaucoup tourné avec Dédé Ceccarelli pour Le Coq et le Pendule et nous avons de nouveaux projets ensemble.

Franchement, c’est très clair dans ma tête. Et le résultat est souvent limpide, même si certaines personnes, même certains musiciens, ne sont pas convaincus au départ. C’est arrivé dernièrement avec Rhoda sur un morceau d’Ivan Lins, « Aos nossos filhos ». Il m’avait demandé d’écrire des paroles en anglais pour chanter en duo avec lui. D’abord, j’ai hésité car c’est presque un hymne pour les Brésiliens, puis j’y suis arrivé et j’en suis fier. Bref, lorsque Lenine a accepté le projet avec Rhoda, j’ai demandé à Ivan si je pouvais chanter cette chanson avec Lenine, ce qu’il m’a accordé avec plaisir. Et j’ai changé quelques accords. Rhoda était assez surprise, elle ne comprenait pas pourquoi. Elle trouvait ça étrange. Mais en ré-écoutant l’enregistrement, elle a compris : c’était évident. Je l’ai poussée vers des choses qu’elle n’avait encore jamais faites, comme sur « Yesternow » de Miles Davis, que j’avais chanté à La Villette avec Laurent Cugny pour l’expo sur Miles.

David Linx © Jos Knaepen
  • Le disque sortira bientôt ?

On doit encore voir les agendas de nos maisons de disques respectives. Car il y a aussi en chantier le Porgy And Bess avec le BJO. J’ai appelé ça A Different Porgy and Another Bess. C’est une idée que j’avais en tête depuis longtemps et, avec Maria Joao, j’ai enfin trouvé ma Bess. J’ai réécrit pas mal de choses. En fait, c’est un immense hommage à Baldwin car on va au-delà des couleurs. Il faut dire que Porgy And Bess est très raciste, malgré tout. Ou en tout cas très maladroit, ce côté « Blancs qui aiment les Noirs ». Donc, j’ai récrit ça dans un anglais normal. Et il y a quatorze arrangeurs différents. Ce ne sont pas les mêmes que pour Changing Faces, à part ceux qui font partie de l’orchestre comme Lode Mertens, Frank Vaganée, Dieter Limbourg et Pierre Drevet.

  • Là aussi il faut garder une cohérence, une unité.

Oui, c’est mon rôle. J’aime laisser les gens libres, parler de la forme pour qu’ils soient libres dans le contenu. Il ne peut pas y avoir de forme sans fond. C’est la première qui traduit le second. L’artiste est politique par la forme, pas parce qu’il va jouer pour les Restos du Cœur. C’est une démarche étrange, d’ailleurs. Pas le devoir d’aider les autres, mais faire comme si on était « tous ensemble. »

A Different Porgy and Another Bess est une idée que j’avais en tête depuis longtemps et, avec Maria Joao, j’ai enfin trouvé ma Bess.

  • Pourtant, toi-même tu mélanges les genres, tu rencontres des musiciens de variété.

Oui, il y a des exceptions. D’ailleurs on va reprendre la formule « Nougaro » avec Dédé Ceccarelli et Maurane.

  • Maurane aussi a sorti un album en hommage à Nougaro. Et c’est un monde totalement différent du vôtre, me semble t-il.

Dans l’approche oui, car dans le jazz, on a beaucoup moins de moyens. Le coq et la pendule est une auto-production. Et on a presque toujours gardé la première prise. Incroyable ! Mais j’ai chanté avec Maurane sur scène à Nice, et c’était magique. On se connaît depuis tellement longtemps… Avec Dédé et moi, elle va pouvoir montrer une autre facette de son talent. Et j’ai envie de faire une date en Belgique avec elle. C’est très important pour nous. En plus, je chante rarement en Belgique.

  • Revenons à Follow The Songlines. Ça ne doit pas être facile de faire tourner sur scène une telle production…

Diederik et moi, on fait tout en duo. Et Mário et Maria aussi. On est habitués aux petits moyens. Et on a surtout tourné en sextet. On ne s’appelle pas Sting, on n’a pas les moyens de se payer un orchestre symphonique partout où on va.

  • Et ça ne dénature-t-il pas le concept ?

Non, pas du tout. On retrouve la même énergie sur scène. C’est pour ça qu’on a été très rigoureux au niveau de l’écriture. Avec ou sans orchestre, la musique est là. La rigueur fait partie de notre parcours. On a joué, Diederik et moi, des morceaux de Follow The Songlines à Londres en duo, et ça a cassé la baraque.

  • Pourquoi avoir monté le projet de cette façon alors ?

Pour moi, un disque et un live, c’est totalement différent. Et je ne sais pas si, en sextet, ce projet aurait intéressé une maison de disques. Là, on tient un truc spécial. Qu’on va encore jouer en live avec un orchestre, bien entendu. Le disque est une photographie de l’instant. On peut se permettre de proposer quelque chose en plus qu’en concert. Et inversement. J’aime autant le studio que la scène. C’est très différent.

  • Qu’est ce que l’orchestre apporte en public ?

Tu as déjà les larmes aux yeux avant de chanter tellement c’est beau, cet orchestre. Les arrangements sont incroyables, un véritable tapis rouge pour nous. C’est un projet que le VRO m’a proposé ; je ne pouvais pas refuser ; mais j’avais aussi envie de sortir des sentiers battus. Puis le projet a pris de l’ampleur et j’ai voulu enregistrer cet instant, pour qu’il en reste quelque chose. Au départ, il s’agissait de donner deux concerts seulement. Et en fin de compte il n’y avait eu qu’un ! Tout ce travail pour un seul concert à Flagey, même pas enregistré ! Impossible de ne pas continuer, de ne garder aucune trace. Alors je me suis battu pour que ce soit gravé. Et si ce disque est vraiment abouti, c’est qu’il y a avait beaucoup d’enjeux : on ne pouvait pas y arriver sans un réel engagement. Pour cela, Naïve nous a beaucoup soutenus. Ça donne encore plus d’énergie pour la suite….