Chronique

Linx - de Chassy - Pastorino

On Shoulders We Stand

David Linx (voc), Guillaume de Chassy (p), Matteo Pastorino (cl, clb).

Label / Distribution : Enja Records

Les épaules dont il est question dans ce disque d’une écriture majestueuse autant qu’épurée sont celles des créateurs à la source desquelles Guillaume de Chassy et David Linx ont puisé leur inspiration pour faire naître leur propre musique. Celle des notes bien sûr, mais aussi celle des mots, dans une intrication émouvante qui irrigue On Shoulders We Stand tout au long de neuf compositions dont on sait, au moment même où on les découvre, qu’elles exerceront un effet de séduction durable, tant elles paraissent les enfants d’une évidence. Soudain, nous voici ailleurs, dans un monde où se mêlent les couleurs du passé et du présent, ce que soulignent avec beaucoup de justesse les très belles photographies de Caterina Di Perri illustrant le livret.

Ce disque est une échappée, un refuge pour se préserver des vanités de nos temps urgents. Habitué du passage entre musique classique et jazz, amoureux de la chanson et de ses paroles, le pianiste a accompli un travail d’orfèvre humble en réalisant des transcriptions pour la voix, s’appuyant sur des compositions de Rachmaninov, Schubert, Bach, Ravel, Chostakovitch, Chopin, Mompou et Scriabine. De son côté, le chanteur – qu’on écoute ici au sommet d’un art qu’il a su imposer au fil des années – a posé ses propres mots sur ces partitions intemporelles, offrant des textes reflets de sa quête intérieure. Leur absence, ici presque paradoxale, sur une musique de Chostakovitch (« Prelude Op 87 n° 10 ») est par ailleurs pour lui l’occasion de faire montre de sa virtuosité et de son désir de chant croisé avec celui du piano. Les mots sont parfois muets, ce qui ne nuit en rien à leur force d’évocation.

Et parce que rien n’est jamais assez beau dès lors qu’il s’agit de servir une cause aussi noble que celle de la traversée du temps en musique, de Chassy et Linx ont fait appel à une troisième voix, celle de la clarinette de l’Italien Matteo Pastorino, qui est ici comme fondue dans les leurs et porteuse d’un lyrisme d’une grande retenue. On Shoulders We Stand, par son élégance et son aspiration au dépassement des modes, définit les contours d’un idiome d’une grande élégance. C’est un disque de la contemplation, un compagnon des heures calmes, dont la délicatesse formelle va de pair avec l’intensité de son engagement humain. Comme une définition de la beauté.