Chronique

M&T@L

IK

Laurent David (b), Thomas Puybasset (ts), Maxime Zampieri (dms).

Label / Distribution : Label Durance / UVM Distribution

Metallica, vous connaissez ? Mais oui, bien sûr, ce groupe de trash metal californien plus que trentenaire, emmené par le guitariste chanteur James Hetfield et le batteur Lars Ulrich, les deux seuls membres fondateurs encore en activité. À son actif, une discographie assez restreinte (une dizaine de disques seulement) mais une tendance à battre des records en matière de dollars. Ainsi, le cinquième, celui qu’on surnomme Black Album, s’est vendu à… 16 millions d’exemplaires. Quant au groupe lui-même, il est depuis 25 ans le troisième plus gros vendeur de disques, tous styles confondus. Dans son genre, Metallica est entré dans la légende du rock, et pas n’importe lequel : celui du gros son, des décibels et du tiroir-caisse.

De quoi attiser la curiosité de certains musiciens à l’esprit volontiers baroudeur et adeptes quand il le faut du recours à la puissance, histoire de réveiller un peu le voisinage. Ainsi en va-t-il du bassiste Laurent David : on connaît ses collaborations avec Jean-Michel Kajdan, sa participation voici quelques années à l’aventure Maalouf et son passage au sein de l’Electric Epic de Guillaume Perret, pour un voyage intergalactique dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’était pas de tout repos. Plus récemment, avec Winterreise Fragments, il foudroyait Franz Schubert au sein d’Excursus avec la chanteuse Laurence Malherbe et quelques camarades, le temps de passer en revue douze des vingt-quatre lieder du Voyage d’hiver sur un mode gothico-punk jubilatoire. Ce musicien-là, soit dit en passant, est par ailleurs l’un des plus réjouissants spécialistes de son instrument.

Et voilà qu’on le retrouve en trio avec ses potes Thomas Puybasset (saxophone) et Maxime Zampieri (batterie). Une formation au nom malin, M&T@L, façon logotype, et un titre d’album – le deuxième après un premier disque éponyme publié en 2014 – en forme d’hommage et de jeu de mots pour lequel on aura toutes les indulgences : IK ! Autant dire que la référence au groupe cité un peu plus haut n’est même pas masquée ; surtout, elle laisse deviner une musique qui ne se cache pas derrière son petit doigt. Et c’est bien le cas : comme prévu, M&T@L envoie du gros son.

Le trio s’empare de sept compositions de Metallica et vient leur appliquer une couche jazz comme d’autres repeindraient la carrosserie d’un bolide de course. Les exégètes métalleux reconnaitront sans nul doute les originaux, mais avec une formule sans guitare, assez rugueuse, le simple maquillage ne suffirait pas à susciter l’intérêt. Il faut recréer, triturer la pâte musicale et à l’occasion se faire designer sonore (et à ce petit jeu, Laurent David s’y connaît, lui qui sait si bien mettre sa basse dans tous les états), instaurer des climats changeants, s’autoriser des chorus aussi concis qu’efficaces, alterner moments de furie et de suspension.

Oui, il faut le dire : c’est bien, aussi, que le jazz aille parfois faire un petit tour ailleurs, du côté des musiques auxquelles on ne l’associe pas forcément, telle cette matière première électrique des Californiens de Metallica. Il se trouvera certainement des esprits chagrins pour pointer du doigt une compromission, voire une association contre nature, mais leurs voix ne porteront pas très loin. Car l’essentiel est ailleurs, dans la volonté de brasser les influences et d’imaginer de nouvelles formes d’expressions musicales, sans œillères, au risque d’échouer. Mais comme dit le proverbe : à vaincre sans péril…

Les trois musiciens de M&T@L et leur manière de foncer droit devant eux avec une générosité virtuose, jamais prise en défaut sur ce disque, réussissent une démonstration « à l’énergie ». IK est un album explosif, qui laisse présager de grands moments sur scène. Écoutez par exemple « For Whom The Bell Tolls », parfaite synthèse du langage M&T@L en conclusion du disque. Et surtout, montez le son ! On peut parier sans risque de se tromper que les concerts auront souvent des allures d’incendie. Alors disons-le tout net : des pyromanes comme eux, on en redemande parce que la tiédeur, parfois… Avis aux programmateurs.