Chronique

David Sylvian

Manafon

David Sylvian (voc), Burkhard Stangl, Keith Rowe, Tetuzi Akiyama (g), Werner Dafeldecker (b), John Tilbury (p), Evan Parker (ts), Marcio Mattos, Michael Moser (cello), Franz Hautzinger (tp), Christian Fennesz (laptop, g), Otomo Yoshihide (turntables, g), Toshimaru Nakamura (no input mixer), Joel Ryan (signal processing), Sachiko M. (sine waves).

Label / Distribution : SamadhiSound

Cet album d’une troublante beauté se dresse au croisement de l’improvisation libre et de la chanson, en un point où personne ne s’est jamais tenu avec une telle inspiration, touché par une telle grâce.

Manafon est en suspension. La voix de David Sylvian flotte, chaude et granuleuse, lente et sûre, dans une ondulation parfaite, empreinte d’un délicat et profond vibrato. Aérienne, l’instrumentation très raffinée offre un accompagnement en filigrane, tisse une fragile dentelle sonore, ponctuée de vapeurs, souffles, notes fantômes, filaments électrostatiques, vibrations de cordes. Il faut dire que, lors de sessions à Londres, Tokyo et Vienne, Sylvian s’est entouré d’improvisateurs prestigieux. On citera, notamment les participations d’Evan Parker (saxophone), Keith Rowe (guitare), John Tilbury (piano), Franz Hautzinger (trompette), Otomo Yoshihide (platines), Toshimaru Nakamura (table de mixage sans entrée), Christian Fennesz (ordinateur)…

Chaque morceau a été construit à partir d’une improvisation instrumentale. Sur cette trame enregistrée et conservée telle quelle, à de rares exceptions près, David Sylvian a, à son tour, improvisé un chant, mélodie et paroles, délivré spontanément, avant de retravailler cette matière vocale, de l’affiner tout en en conservant la substance première. La magnifique alchimie de l’album tient à un paradoxe : l’instrumentation ne comporte ni rythme, ni mélodie ; seule porte la voix. Il s’en dégage un étrange sentiment de suspense permanent.

Avec Manafon (nom du village gallois où vécut le poète R.S. Thomas), on mesure l’ampleur du chemin parcouru par Sylvian, dont la carrière débuta à la fin des années 70 à la tête du groupe de glam-rock Japan pour toucher aujourd’hui à ce qu’il définit lui-même comme « un genre de musique de chambre totalement moderne, intime, dynamique, émotif, démocratique et économique ».