Chronique

Emler, Tchamitchian, Echampard

Sad and Beautiful

Andy Emler (p) ; Claude Tchamitchian (b) ; Eric Echampard (d)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Après A quelle distance sommes-nous ? et Tee Time, le trio de haute volée Emler Tchamitchian Echampard propose avec Sad and Beautiful (La Buissonne) une musique à la fois dense et aérienne. Dense car elle porte en elle la charge émotionnelle que, en démiurges inspirés, les musiciens synthétisent ; mais son savant dosage de silences et de chants est aussi une alchimie qui la rend légère. Par ailleurs, on ne se fiera pas au titre : certes, quelques climats brumeux et tempos lents peuvent évoquer une certaine lassitude, et le feulement métallique des cymbales associé à la plainte nostalgique de l’archet n’évoque pas non plus le lancer de cotillons. Point de tristesse ici.

Depuis dix ans, ce trio s’attache à construire un univers bien à lui. Un univers où le chant domine, celui de l’intérieur, celui qui emplit les poumons d’espoir et gonfle d’orgueil, celui qui vient apaiser et transcender les colères. Au piano, Andy Emler saute d’une couleur à l’autre, leste et solide, et malaxe avec puissance et finesse la matière musicale en accords magistraux, en mélopées hypnotiques, en touches impressionnistes. A la contrebasse, Claude Tchamitchian est un torrent de cailloux rebondissants, un galop. Il se place à l’exact centre de gravité, entre les cordes du piano et la frappe de la batterie, et lorsqu’il use de l’archet, c’est le calme après la tempête, les brumes matinales ; il va alors à l’amble. A la batterie, Eric Echampard sollicite souvent les cymbales : la percussion émane déjà assez des deux autres instruments ; il l’enrobe avec élégance de ponctuations rondes. Et à ces cymbales, il donne un rôle mélodique, le contre-chant, l’écho, le bruissement des harmoniques.

Ce trio « issu », si l’on peut dire, du MegaOctet a pour lui l’avantage de la connivence. La maturité et l’assemblage, patiemment élaborés au fil des concerts, donnent ici sa cohérence à une musique hors du temps. On y retrouve l’énergie rock débridée et les thèmes fracassants du MegaOctet, le temps suspendu des solos d’Emler, la nostalgie lumineuse de l’univers de Tchamitchian, la précision classique d’Echampard. Et à chaque instant, cette force olympienne du silence. Un silence qui se glisse entre les notes, précède les attaques et ponctue les phrases. Un silence en or.


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Un extrait du concert ici et un autre