Chronique

Jeppe Zeeberg

Six Additional Pieces of Piano Music

Jeppe Zeeberg (p)

Label / Distribution : Auto Productions

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pianiste danois aime à surprendre. On l’avait laissé avec Occasionally, Good Things Do Happen, un album chatoyant dans la lignée de ses arrangements pour orchestre. Il revient avec un disque de piano solo et standards de jazz. L’exercice du piano solo n’est pas un première pour le musicien qui s’est déjà prêté au jeu sur scène, ou encore lors d’un précédent disque du même acabit, Eight Seemingly Unrelated Pieces of Piano Music. La différence réside dans le corpus qui repose aujourd’hui sur six (5+1) standards de jazz.

D’abord, le contexte est celui d’un collage. Les six pièces proviennent de lieux et de pianos différents. Tous enregistrés en concert, les standards révèlent un sens aigu de l’arrangement et une grande maîtrise de l’histoire du piano jazz. Il sait manier le stride à la Fats Waller (« I’m Confessin’ That I Love You »), évoquer Thelonious Monk dans le très ellingtonien « Solitude ». Mais, à l’instar de Jaki Byard, tout est fragile et l’équilibre peut rompre à tout moment. On se laisse aller sur « After You’ve Gone » au rythme dansant de foxtrot qui, sans crier gare, se transforme en cataclysme percussif.
Un titre cependant fait office de fève dans la galette. « Home Seen From Elsewhere (again) » n’est pas enregistré en 2024 comme les autres, mais en 2018 à la KoncertKirken de Copenhague et, si la mélodie semble familière et sonne comme un standard, elle est signée Jeppe Zeeberg et provient du précédent disque en solo, jouée de manière bien plus déliée et rapide.
C’est encore Fats Waller qui est convoqué avec la reprise de son grand succès « Honeysuckle Rose », joué ici rapidement avec des ruptures de rythmes et une cavalcade endiablée sur un piano qui semble sur le point de se disloquer.
Avec le titre « Wild Is The Wind », popularisé par Nina Simone et David Bowie, se termine cette incursion solo dans le piano jazz. Déstructurée et malaxée, la mélodie transparaît dans l’arrangement improvisé que Jeppe Zeeberg délie avec retenue et légèreté.
On le savait inventif, débridé, il montre avec Six Additional Pieces of Piano Music toute l’étendue de sa technique pianistique mise à nu. Aussi rafraîchissant que surprenant.

par Matthieu Jouan // Publié le 6 octobre 2024
P.-S. :