Chronique

Endless

Lost Lake

David Haudrechy (ss), Grégoire Aguilar (p)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Il y a des musiques qui nous transportent dès la première écoute ; parmi celles-ci, certaines nous émeuvent au-delà encore. Lost Lake – en écho à une photo de Dylan Furst qui évoque selon Grégoire Aguilar « le mystère, le voyage, le chemin, l’eau, le retour à la source… » – est de cette engeance. Sûrement parce que ce très bel album est fait d’une matière rare, de celle qui constitue les poésies les plus poignantes et exacerbe le ravissement. C’en est ainsi de « Melancholia », la première piste au titre on ne peut plus évocateur, jusqu’à « Little King », ultime trace d’un projet initialement consacré au « Petit Prince ».

L’album contient neuf compositions sur onze titres. L’écriture est donc déterminante et on comprendra que David Haudrechy, qu’on a surtout croisé à la tête de l’énormissime Initiative H, et Grégoire Aguilar éprouvent leurs jeux respectifs régulièrement. Si les musiciens travaillent sur ce projet depuis deux ans, ils jouent ensemble depuis bien plus longtemps. Ils collaborent notamment au Jazz Odyssée de Philippe Laudet et Grégoire Aguilar intervient auprès des pianistes du Conservatoire de Montauban où enseigne David Haudrechy.

Le registre est de l’ordre de l’intime, la configuration piano, saxophone y contribuant bien entendu. La tonalité générale est, le plus souvent, au spleen ainsi qu’en témoigne la version suppliciée qu’ils font subir à « Charade » d’Henri Mancini. Même « The Way Of The Sun » qui transpire le bonheur émerveillé de David Haudrechy pour sa fille, est fait de cette fragilité et de cette vulnérabilité.

Quand on l’interroge sur les pianistes qu’il apprécie, Grégoire Aguilar indique Brad Mehldau, Keith Jarrett, Bill Evans, Fred Hersch, Martial Solal, tout en ajoutant qu’il n’y a « rien de très original pour un pianiste de jazz. ». Certes, mais ses influences témoignent aussi d’un souci du Beau qui transparaît admirablement dans ce Lost Lake et ses voyages imaginaires.