Chronique

Enrico Rava/Ran Blake

Duo en noir

Enrico Rava (tp), Ran Blake (p).

Label / Distribution : Between the lines

Un disque dédié par Ran Blake à la mémoire d’Art Farmer, et qui veut célébrer aussi le centenaire de la naissance d’Alfred Hitchcock. Tous les disques de Ran Blake sont noirs, par référence à la mort – mais il faudrait dire que chez lui, peut-être, et contrairement à l’opinion qu’on peut s’en faire, la mort n’est pas située du côté de l’obsession, mais se présente sous les traits du souvenir de personnes d’autant plus aimées qu’elles ne sont plus là, et que leur image est éternellement douce. Entre hasard et nécessité, un vertige est possible, qui provient de ce que des choses peuvent arriver, qui n’étaient pas prévues (Kim Novak, dans « Vertigo », justement…). L’humour n’est pas loin, mais il n’est pas sûr. Le pire non plus.

Trente huit minutes en public, un public bruyant. Nature Boy, détourné d’un Nat « King » Cole doucereux et confiant, pose d’entrée les choses sous leur aspect pessimiste. Suivent quelques errances sur les traces de Bernard Hermann, de Laura (Otto Preminger), puis de « The Spiral Straircase » de Robert Siodmak. Quelques pièces plus énergiques s’enchaînent, dont un beau Certi Angoli, qui contient une citation explicite de Nino Rota, avant une reprise de I Should Care, inspirée de l’interprétation qu’en donne aujourd’hui Abbey Lincoln. Un récital sans moments inoubliables, mais dont toutes les étapes sont marquées du sceau de l’intelligence et de la musicalité.