
Bergamo Jazz, entre histoire et culture 🇮🇹
Le festival italien a pour programmateur Joe Lovano.
© Gianfranco Rota
Le saxophoniste américain Joe Lovano est pour la deuxième année directeur artistique de Bergamo Jazz et a conçu le programme avec Roberto Valentino. Et il prend lui-même son instrument lors de nombreux concerts pour se joindre à la fête le temps d’un ou deux morceaux. Car de nombreux artistes américains s’y produisent.
- Wayne Shorter Legacy © Gianfranco Rota
Quelle fresque sonore ! Lorsque Danilo Pérez, John Patitucci et Brian Blade font de la musique ensemble, il y a tout simplement cette connivence aveugle et télépathique issue d’années de collaboration. Pérez trouve une idée musicale, les deux autres savent immédiatement quoi en faire, et la magie opère. Ce soir-là, dans le magnifique Teatro Donizetti, l’opéra construit dans les années 1780 au cœur de Bergame, il y a bien sûr des références, à savoir un répertoire que le groupe a joué avec Wayne Shorter, qu’ils accompagnaient depuis de nombreuses années. Le titre de cette soirée, « Legacy Of Wayne Shorter », l’annonçait. Ravi Coltrane, fils d’une autre légende du saxophone de jazz, est l’invité spécial de cette soirée. C’est un concert magique, car on sent à chaque instant le lien étroit qui unit le trio. Coltrane s’y intègre parfaitement avec de belles lignes. Lorsque Joe Lovano intervient à la fin et que tout le monde se précipite en avant sur le classique de Shorter « Witch Hunt », le tout décolle vraiment.
- Lux Quartet © Gianfranco Rota
Juste avant l’hommage à Shorter, on a entendu le Lux Quartet de la pianiste Myra Melford et de la batteuse Allison Miller, auxquelles s’ajoutent le saxophoniste Dayna Stephens et le bassiste Nick Dunston. Un groupe qui joue un jazz d’avant-garde accessible, inventif et délicieusement léger.
« Sounds Of Joy » est le thème du festival de cette année. Ce titre a été donné par Joe Lovano à l’un de ses propres albums en trio, datant du début des années 1990. Et de nombreuses performances à Bergamo évoquent également ces « sons de joie ».
Les « Fearless Five » autour de la légende de la trompette Enrico Rava, par exemple. L’Italien de 85 ans a réuni quatre jeunes compatriotes intrépides et talentueux et agit au milieu de tout cela comme un point fixe qui commente, dirige l’action, mais laisse toujours beaucoup d’espace aux jeunes pousses comme la batteuse Evita Polidoro et surtout le fantastique tromboniste Matteo Paggi pour briller de façon impressionnante.
- Enrico Rava © Gianfranco Rota
Le groupe américain All-Star The Cookers a également réjoui la salle de théâtre avec sa musique. Les deux trompettistes Eddie Henderson et David Weiss, les saxophonistes Azar Lawrence et Donald Harrison, le pianiste George Cables, le bassiste Cecil McBee et le batteur Billy Hart forment un working band bien rodé depuis de nombreuses années. Leur jazz mainstream plein de vitalité, merveilleusement maintenu par Billy Hart à la batterie et inlassablement poussé vers l’avant, est tout simplement un régal pour l’oreille.
Bergamo Jazz est aussi très plaisant parce qu’il bénéficie de lieux de concert charmants dans toute la métropole, aussi bien dans la ville basse que dans le cœur historique « Città Alta » (ville haute), perchée sur une colline surplombant tout Bergame. Là se trouve également un magnifique théâtre datant du début du XIXe siècle, le Teatro Sociale. Quel lieu pour la chanteuse américaine Lizz Wright qui, avec une incroyable nonchalance et sans aucun effort apparent, chemine avec aisance de sa voix mûre et corsée à travers la soul, le gospel, le blues, le jazz et la pop.
- Alexander Hawkins Dialect Quintet © Gianfranco Rota
Et puis le festival donne une place à des projets qui permettent à de jeunes talents locaux du jazz, comme Francesca Remigi, originaire de Bergame, ou Michelangelo Scandroglio, de se produire avec des groupes internationaux. La batteuse au sein du Dialect Quintet du pianiste britannique Alexander Hawkins, composé de trois Italiens, et le bassiste au sein du quartet La Via Del Ferro, avec le saxophoniste britannique Alex Hitchcock et la pianiste italienne Maria Chiara Argirò. Deux groupes britanniques et italiens qui enrichissent la scène jazz actuelle avec fraîcheur et force d’innovation.
- Dianne Reeves © Gianfranco Rota
Laisser la grande dame du jazz vocal clôturer cette édition du festival au Teatro Donizetti, une fois de plus plein à craquer, est la meilleure façon de faire. Car Dianne Reeves a tout pour plaire. Une voix colossale, avec laquelle elle peut moduler les syllabes comme elle le souhaite, et un rayonnement chaleureux qui lui permet de trouver immédiatement un accès au public.
Quelle belle conclusion dans une ville absolument magnifique, qui se définit comme le carrefour de l’histoire et de la culture. Ce que l’on ressent dès l’entrée des salles de spectacle, le personnel portant de longues capes qui rappellent le XIXe siècle, lorsque le célèbre enfant de Bergame, Gaetano Donizetti, y écrivait ses opéras.