Enrico Rava
Fearless Five
Enrico Rava (tp, bugle), Matteo Paggi (tb), Francesco Diodati (g), Francesco Ponticelli (b), Evita Polidoro (dm, voc).
Label / Distribution : Parco Della Musica Records
Il suffit d’observer la pochette de ce disque pour percevoir le bonheur qui illumine les visages des quatre artistes réunis autour d’Enrico Rava. Edizione Speciale, la dernière cuvée en sextet parue chez ECM en 2021, témoignait d’un acte authentique mais avec Fearless Five qui sort chez Parco della Musica Records, la musique s’engage dans une nouvelle dimension. Le son chaleureux tout d’abord, qui sied à merveille au répertoire de l’album ainsi que l’espace primordial dévolu aux musicien·ne·s.
La liberté d’improvisation qui prévaut dans les dix compositions de l’album, et les échanges entre la section rythmique et les solistes, font ressurgir un équilibre absolu. Rien n’est dû au hasard, l’écoute répétée des morceaux laisse transparaître des subtilités qui font de ce disque une pierre angulaire dans la longue carrière d’Enrico Rava. « Lavori Casalinghi » fut l’un des joyaux de l’album enregistré en quartet pour ECM en 1978 avec Roswell Rudd, Jean-François Jenny-Clark et Aldo Romano ; l’énergie déployée y était fructueuse. La nouvelle version par ce quintet en renouvelle l’architecture musicale, l’ambiance ésotérique installée par la guitare de Francesco Diodati propulse le canevas harmonique sur lequel le trombone rugueux de Matteo Paggi s’unit à la poésie du trompettiste. L’art de la ballade, cher à Enrico Rava, atteint la plénitude dans « Lady Orlando », la construction mélodique s’y révèle comme chaque fois splendide et témoigne d’un lyrisme latin exclusif.
Quasi désinvolte, « The Trial » convient parfaitement à la musicalité exacerbée du groupe, « Infant », lui, se nourrit d’exaltations qui culminent dans le jeu sophistiqué aux cymbales d’Evita Polidoro. Cette batteuse déploie également une belle sensibilité qui se répand par sa voix diaphane dans « Amnesia ». À l’instar de la photographie de la pochette du disque qui dévoile les musicien·ne·s dans une lueur bleue, « Spider Blues » installe un climat où le jazz devient intemporel. D’une efficacité rare, la paire rythmique composée par Francesco Ponticelli et Evita Polidoro infléchit habilement les interventions solistes.
Dans Fearless Five, la musique se développe avec une grande force émotionnelle, révélatrice de l’écriture pertinente d’Enrico Rava et de la fertilité de ses improvisations. Extrêmement motivés, ses jeunes partenaires entourent avec conviction le vieux lion qui ne cesse de nous surprendre par ses renouvellements constants.