Chronique

Ensemble Bernica

Hymnotique

Pierre Bœspflug (p), Jean-Luc Déat (elb), Christian Mariotto (dms), Éric Hurpeau (g), Antoine Arlot (as), Nicolas Gégout (ss), Jérémie Barthélémy (tb, tuba), René Dagognet (tp, flh).

Retour gagnant pour les huit Lorrains de l’Ensemble Bernica ! Après une prestation remarquée lors de la dernière édition de Nancy Jazz Pulsations, occasion pour ses musiciens de présenter le répertoire de leur nouvel album, Hymnotique, cette formation en partie renouvelée affiche une belle santé que confirme un enregistrement attendu depuis pas mal d’années maintenant.

On avait laissé en effet le groupe à son Vagabondage en 2015, qui faisait lui-même suite à une longue période de collaboration avec François Jeanneau, ce qu’illustrait notamment le disque Very Sensitive en 2009. Le temps a passé ; François Guell, l’un des membres fondateurs, a cédé sa place au vibrionnant Antoine Arlot (Azéotropes, La Banquise) dont le saxophone alto parfois zornien semble devoir ne jamais être dompté (et c’est tant mieux). Le quatuor des anciens (Pierre Bœspflug, René Dagognet, Jean-Luc Déat et Christian Mariotto) est quant à lui bien en place, puissant et lyrique, bien épaulé par le guitariste Éric Hurpeau (déjà présent en 2015) et deux petits nouveaux : Nicolas Gégout au saxophone soprano et Jérémie Barthélémy au trombone et au tuba.

Ce qui frappe à l’écoute des huit compositions d’Hymnotique, c’est l’énergie qui circule au sein d’un collectif s’appuyant sur un répertoire signé de Pierre Bœspflug et Nicolas Gégout. Ce sont deux générations de musiciens en action, et ce faisant deux identités distinctes et complémentaires. Le premier est un adepte des scénarios à rebondissements, des variations savantes de climats au sein d’un même thème. Avec lui, complexité et précision de l’écriture et des arrangements sont mis au service d’un médium ensemble d’une grande solidarité, où chacun des solistes pourra toujours trouver un terrain d’expression suffisamment ouvert pour libérer son imagination. Le second, dans toute la fougue de sa jeunesse, propose au groupe une autre direction, plus rectiligne, qui serait proche d’un jazz-rock de très belle facture. C’est là comme une double trajectoire, un joyeux jeu de piste qui jamais ne signifie divergence ou incohérence, mais peut se comprendre au contraire comme la recherche de la plus grande ouverture possible.

Il y a dans cet Ensemble Bernica renouvelé (mais cette évolution se fait dans la continuité du travail d’exploration qu’on aime chez lui depuis le début) une jubilation revendiquée, un appétit de jouer et une force de conviction qui en font aujourd’hui une formation sans doute plus accessible à un large public qu’elle ne le fut par le passé, sans qu’elle renie pour autant sa dimension expérimentale et créative. Il est temps de lui prêter une oreille attentive.