Erb / Loriot / Morishige
Dry
Christoph Erb (ts, ss), Frantz Loriot (vla), Yasamune Morishige (cello)
Label / Distribution : Veto Records
Frantz Loriot nous en parlait dans un interview ancienne, mais voici l’objet, concerné par la dix-septième carte postale de kraft du multianchiste Christoph Erb. Le duo Erb et Loriot est ancien, il a grandi à l’ombre des pics alémaniques ; la rencontre avec le violoncelliste Yasamune Morishige, plus nouvelle, est l’aube de promesses. On avait entendu le Japonais avec Hugues Vincent, violoncelliste français habitué au Soleil Levant ; c’est par ailleurs un pensionnaire du regretté label Improvising Beings où les Exchange d’Erb n’auraient pas déparé. Dry est donc une rencontre en terrain connu. Mais l’on sait qu’avec ces musiciens improvisateurs, coutumier d’apprivoiser les sons en leur laissant la bride lâche, l’infiniment petit peu se révéler une imposante montagne. « Fields » est l’exemple initial et crucial : l’archet de Loriot bondit de cordes en cordes, et le feulement du ténor, simple souffle blanc, se nourrit des stridences boisées du violoncelle ; le son monte, s’enflamme…. Plus qu’une topographie du chaos, c’est un jardin partagé qui se bêche collectivement. Les récoltes n’en seront que plus fructueuses.
Christophe Erb est à l’aise avec les cordes. On le sait depuis Duope mais ici, la chose est confirmée. Lorsqu’on se laisse submerger par « Blood », où son ténor tient un son sablonneux et vaguement mélancolique, on est pris par un flux inéluctable et le sentiment que les timbres se mélangent, s’amalgament jusqu’à ce que l’on ignore s’ils sont issus d’un souffle ou d’un frottement, stridence de chair ou de métal. Ce n’est pas seulement une cohésion, c’est une volonté de faire corps, de faire fluide même, et d’offrir une approche musicale qui s’apparente à des particules élémentaires, telles les bourrasques de « Sand » où Erb glisse comme la paume de Morishige sur le bois de son instrument.
Dry n’a jamais aussi bien porté son nom. Aride, cette rencontre transcontinentale l’est indubitablement. Peut être même Loriot et Erb n’avaient-ils jamais été aussi radicaux dans leur approche que dans « Wood » qui glorifie l’objet, la nature des instruments à corde. Le son est faible, quelques oscillations qui font tendre l’oreille, percer le silence et se laisser happer par la matière. Qui du cliquetis des clés ou du rebond du crin est à la manœuvre ? Qui décide de la véritable urgence qui saisit soudainement ce flot grandissant ? Les décisions sont collectives autant qu’instinctives, c’est ce qui en fait la beauté brute. Encore de belles nouvelles du pays des sons, pas loin des forêts primaires où les clairières sont rares.