Chronique

Christoph Erb & Michael Vatcher

Yellow

Christoph Erb (ss, ts), Michael Vatcher (dms)

Label / Distribution : Veto Records

Dans la série Exchange qu’il réalise au long cours sur son label Veto Records, Christoph Erb a depuis longtemps étendu la rencontre au-delà du simple rapport transatlantique des débuts, pour s’ouvrir à ses proches voisins. Avec Michael Vatcher, nous voici dans un entre-deux. Alors que pour son seizième volume, le saxophoniste signe son premier duo avec un batteur, c’est un Californien depuis longtemps installé aux Pays-Bas qui répond à l’appel. Vatcher est connu pour ses collaboration avec Michiel Braam ou Michael Moore, et s’est ménagé depuis plusieurs décennies une place à part dans l’improvisation mondiale. Il offre ici, face à un Erb intenable au ténor, une réplique rigoureuse et sèche où les peaux sont très sollicitées, comme on l’entend dans « Xanthophyl », au cœur des sifflements d’anches.

Le disque s’appelle Yellow, chaque morceau porte le nom d’une substance jaune, mais les couleurs sont autrement embrasées. Même lorsque la tension descend, entre deux frappes rageuses, les flammes gardent leurs reflets mordorés. Il y a des temps faibles, bien sûr, lorsque toujours sur « Xanthophyl » le ténor tient une note qui s’échappe dans le grondement lointain des tambours… Lorsque commence « Lutein » dans un ronflement, c’est une toute autre pression qui s’exerce, d’autant que la batterie se fait virulente, obligeant également Erb à hausser le ton, jusqu’à hurler dans une boucle éphémère proposée par Vatcher.

Enregistré en 2016 dans sa bonne ville de Lucerne, Yellow est l’occasion pour Erb de se livrer à un duo d’instruments relativement référentiel dans la nébuleuse free ; on pense à François Carrier et Michel Lambert notamment, dans une version puissante. Même si « Zeaxanthin » est l’occasion d’une joute plus traditionnelle, avec l’impression d’un à-bras-le-corps où la charleston aurait un rôle d’arbitre comptable des rounds, le reste de l’album est plus impavide, bien que toujours sur la brèche. Cela donne le sentiment d’une concentration, d’une musique prête à imploser tant elle est sous pression (« Carotin », qui commence dans un tintement presque religieux avant de glisser dans les abysses). Vatcher y est pour beaucoup en maintenant les virulentes projections de son hôte, comme des tirs de barrage qui maintiennent au loin le chaos pour quelques minutes encore. Une rencontre profonde et inattendue.