Chronique

Im Wald

Orion

Tobias Meier (as), Matthias Spillmann (tp), Frantz Loriot (vla), Nicola Romano (cello), Rafaele Bossard (b)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Dans les notes d’intention de Orion, le premier album du quintet zurichois Im Wald (en allemand « en forêt », ce que la belle pochette traduit à merveille), le musicologue Berni Doesseger évoque la musique, et la place primordiale et métaphysique du son brut dans son espace. En quelques mots, il plante la graine qui a fait germer la musique du saxophoniste Tobias Meier. C’est un propos ouvert, largement improvisé ; il prend naissance sur des partitions graphiques que l’on imagine très travaillés par des musiciens accoutumés à l’exercice contemporain. A ses côtés, on retrouve notamment l’altiste Frantz Loriot dans un registre assez proche de son récent Systematic Distortion Orchestra. « Flächen » en est l’exemple, le son rugueux de l’alto se frotte au violoncelle de Nicola Romano et à la contrebasse de Rafaele Bossard, un fidèle des orchestres de Christoph Irniger, pour croître dans un espace infini et, à bien des aspects, spectral.

Dans cette approche fort abstraite et terriblement chambriste, les arbres ont poussé comme dans le rêve de Max, avant sa rencontre avec les Maximonstres. L’alto de Meier a un rôle qui le lie d’abord aux cordes. Il se fond dans une masse compacte et indolente qui rappelle immédiatement Organism, son album en trio également sorti sur son label Wide Ear Records. De fait, le long titre « Orion » est d’abord un trait lointain, presque inquiétant par son impassibilité, où le trompettiste Matthias Spillmann vient simplement ajouter un timbre supplémentaire.

Mais la relation entre les deux soufflants est plus complexe. A mesure que le morceau évolue, à petites touches impalpables, il se crée une forme de dissociation ou les cordes s’effacent au profit des vents. Il en découle une atmosphère de plus en plus contrastée, grenue, comme lorsqu’on s’enfonce dans les sous-bois où la lumière se fait rare. L’ombre est décidément le terrain de prédilection de Meier, qui avec ce disque aux franges de la musique improvisée et de sa cousine contemporaine témoigne une fois supplémentaire de la grande créativité de la scène zurichoise.