Entre les boucles répétitives, les oscillations sonores, le souffle d’un saxophone ténor qui sait aller droit au but, une basse entêtante et des percussions inédites, Y-OTIS TRE affirme une ingéniosité providentielle.
Pleine réussite donc pour cette formation emmenée par Otis Sandsjö. Des réminiscences de hip-hop ressurgissent mais pour très peu de temps, supplantées par des séquences musicales qui varient sans cesse et donnent de la profondeur aux compositions. Où commencent les improvisations, d’ailleurs ? Difficile de le savoir tant les structures musicales demeurent agencées. L’enregistrement est peaufiné et ce qui est dévolu au hasard ne se dévoile que dans des interstices illusoires mais qu’importe, l’essentiel se passe ailleurs, la spontanéité emporte tout sur son passage.
Après de nombreuses années à expérimenter avec ses compères Petter Eldh et Dan Nicholls, Otis Sandsjö innove avec cet album qui fait suite à Y-Otis 2, sorti en 2020. L’évolution est sensible, les abstractions électroniques sont montées d’un cran et les quelques sonorités acoustiques entendues naguère deviennent clairsemées. « OOMY » met en scène une basse sépulcrale ; à la surface, des stances soniques se parent de ruptures de tempo, « midi day job, pt. 4 » sublime l’abstraction alors que « CLICKS 2023 » redéfinit des accélérations spatiales.
Le travail de studio entrepris par le trio Sandsjö, Eldh, Nicholls propulse leur propos dans un labyrinthe où se superposent d’innombrables strates sonores. L’effet de surprise qui se développe avec volupté dans « LOOMY », les soubresauts du trombone d’Henrik Munkeby Nørstebø qui fait face à l’espace temps dans « sol 94 », déterminent une signature esthétique inédite.
Y-OTIS TRE repousse les limites de l’expression musicale contemporaine : la complexité procurée par le panel des sonorités fait vite place à une étonnante simplicité thématique, paradoxe de cette œuvre captivante. L’exploration de nouveaux territoires n’empêche pas les mélodies de s’insinuer habilement comme dans le chaleureux « earrings » où la clarinette alto d’Otis Sandsjö se pare d’une élégance rare.