Franco d’Andrea Trio
Something Bluesy and More
Franco d’Andrea (p), Gabriele Evangelista (b), Roberto Gatto (dm).
Label / Distribution : Parco Della Musica Records
S’il y a exactement soixante ans que « A Love Supreme » a été enregistré, rares sont les versions contemporaines qui ne tombent pas dans la redite. Franco d’Andrea sait non seulement recycler les standards, mais il les magnifie sobrement, avec brio. Point n’est besoin pour lui de surajouter des phrasés ou de forcer les traits stylistiques en y adjoignant de l’abstraction, il plonge dans les racines du blues et en extrait une sève régénératrice.
En compagnie de Gabriele Evangelista, de quarante-sept ans son cadet, le pianiste italien se sent pousser des ailes et donne un second souffle à ses musiques bien-aimées, superbement soutenu en cela par la frappe inventive de l’expérimenté Roberto Gatto. Quelle beauté que ce « St. Louis Blues » irradié par des accords pianistiques immédiatement reconnaissables, témoins de l’identité musicale que Franco D’Andrea déploie inlassablement depuis le début des années soixante. L’accompagnement de la paire de rythmiciens est exemplaire, le contrebassiste énonce ses notes parcimonieusement. Quant au batteur, il donne une leçon magistrale aux apprentis : rien ne sert d’en faire des tonnes sur les peaux et les cymbales, seuls comptent le dosage de la frappe et la place accordée au silence.
La finesse harmonique de « A Love Supreme » va de pair avec l’intervention soliste de Gabriele Evangelista qui vise la félicité. Franco D’Andrea fait tournoyer le refrain, le conduisant allègrement dans un registre médium, quasiment métaphysique
« Livery Stable Blues » prend une cure de jouvence alors que « Soft Winds » réinvente la notion de swing, les blocs d’accords édifiants au piano atteignent leur but, ils surprennent constamment tout en privilégiant le pouvoir du chant. Le mot syncope prend lui aussi tout son sens dans le chimérique « Caravan » où Roberto Gatto nous rappelle quel grand batteur il est ; ses intentions mélodiques se fondent astucieusement dans les phrasés du pianiste
Des gouttes d’eau rebondissent dans « Tenderly ». Cette conclusion poétique de Something Bluesy and More laisse parler la tendresse communicative que Franco D’Andrea a exprimée sur ces dix pièces musicales imperceptiblement nuancées.