Chronique

Mário Costa quartet

Chromosome

Mário Costa (dm, electronics), Cuong Vu (tr), Benoît Delbecq (p, synth, sampler), Bruno Chevillon (cb)

Label / Distribution : Clean Feed

Cette formation fait sensation, tant elle arrive à subjuguer l’auditoire. Mário Costa, Cuong Vu, Benoît Delbecq et Bruno Chevillon défrichent des chemins menant à des espaces de liberté.

Le batteur portugais apprécie les compositeurs contemporains tels que Steve Reich et Iannis Xenakis. Cela lui a vite permis d’ouvrir son champ de conscience vers l’infini musical. Le jazz ne sera pas en reste puisqu’il démarre sa carrière à Porto en atteignant très vite la notoriété grâce au label Cleanfeed qui le fait connaître dans les enregistrements du contrebassiste Hugo Carvalhais. Acclamé lors de ses prestations avec les figures importantes du jazz européen, il enregistre « Oxy Patina » avec déjà Benoît Delbecq que l’on retrouve avec plaisir dans ce nouvel opus. Chromosome est l’album de la maturité, autant par les compositions qui l’habitent que par l’inventivité des partenaires de ce batteur. Son jeu polyrythmique, solide et toujours prompt à relancer les phases d’improvisation, est riche d’expressivité. Le morceau qui donne son titre à l’album Chromosome en est l’illustration parfaite.

Benoît Delbecq dévoile son jeu pianistique le plus percussif, toujours en alerte et répondant avec créativité. Son utilisation du synthétiseur fait mouche dans « Moonwalk ». L’importance mélodique qui fait de « Chromosome » un disque d’une énergie vivifiante est personnifiée par le trompettiste Cuong Vu, célébré par de nombreux noms importants dont Pat Metheny ; son approche mélodique est en renouvellement constant mais ce qui étonne le plus, ce sont les constructions de ses solos, habités par une architecture détaillée. Bien souvent, son empreinte lyrique nous fait curieusement penser à Enrico Rava, en particulier lorsque ce trompettiste majeur nous envoûtait avec son album mythique « The Plot ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce même Enrico Rava a écrit des louanges à l’intérieur de la pochette de l’album : il résume parfaitement l’entente des quatre musiciens et, mieux encore, nous ressentons son bonheur total d’avoir eu à plonger dans la musique du quartet. En employant le mot « magique », il ne se trompe pas.

Les réponses apportées par les développements du jeu de Bruno Chevillon à la contrebasse sont déterminantes, non seulement pour l’assise rythmique de Mário Costa mais également pour le pianiste et le trompettiste lors de leurs envolées solistes. Les structures harmoniques sont remises en cause et procurent du plaisir lorsque l’effet de surprise se propage avec rapidité. Le contrebassiste nous gratifie d’un épisode magistral joué à l’archet dans « Astrolabe » qui conclut majestueusement l’album.

Une exaltation se propage sur la fin de l’album avec des moments suspendus qui témoignent de ce que l’improvisation peut offrir de mieux tout comme dans « La Grotte ». On baigne alors dans des échanges démocratiques qui permettent à la musique de circuler amplement.

L’importance de cet album où s’expriment ces quatre musiciens engagés est tout à la fois l’ancrage à une tradition créatrice et la conquête déterminante de nouveaux horizons. Nous touchons là à une immense lucidité loin de toute fin mercantile.