Chronique

Gueorgui Kornazov

Réminiscences

Gueorgui Kornazov (tb) + Bulgarian National Radio Big Band dirigé par Antoni Donchev (p)

Label / Distribution : Autoproduction

Si on a pu attester, il y a quelques mois, de l’excellence des musiciens bulgares dans un album en petit comité du pianiste Mario Stantchev, c’est en grande formation que la tradition institutionnelle de la Bulgarie a toujours brillé, notamment l’orchestre de la Bulgarian National Radio dans ses divers avatars, souvent utilisés dans le cinéma. C’est le Big Band qui enregistre ici ces Réminiscences. L’auteur de la partition a, quant à lui, une carrière a priori éloignée de ces institutions : le tromboniste Gueorgui Kornazov est certainement l’un des meilleurs techniciens actuels de son instrument, mais il a depuis longtemps décidé de s’installer en France, de ses collaborations avec Yolk Records ou Papanosh jusqu’à son Horizons Quintet avec Émile Parisien. Dans le très aérien « Dance », c’est sa coulisse qui mène le bal, bien appuyée par la section de bois et le piano d’Antoni Donchev qui dirige cet orchestre.

On ne sera pas surpris d’apprendre que la musique très écrite de Gueorgui Kornazov plonge ses racines dans les mêmes ruisseaux que Michael Mantler ou Carla Bley et, plus globalement, le Jazz Composer’s Orchestra. « Au-delà », le très solennel morceau d’ouverture, en est sans doute le plus franc exemple, avec ce murmure intérieur qui habite le trombone. S’il y a Réminiscences ici, c’est de la culture classique de Kornazov, et d’un certain attachement à la musique baroque, Purcell en tête ; c’est la batterie de Stefan Kozhuarov qui ramène le big band vers des climats plus contemporains, laissant éclater la puissance de la grande formation. Plus loin, c’est « Joy », et les frottements continuels du trombone avec le saxophone d’Arnau Garoffé Faras, jeune ténor catalan installé à Sofia depuis plusieurs années, qui tiennent ce rôle de transfert d’un univers à l’autre, bien campé entre le classique et le jazz.

Le talent de Kornazov, c’est aussi de conserver sa voix et son esthétique dans un contexte qui pourrait sembler assez guindé. Jamais l’orchestre ne sonne comme les mauvais souvenirs des big-bands des années 80 puisqu’il ne joue jamais la surenchère ou le clinquant. On le doit beaucoup à la finesse d’écriture de morceaux comme « Love », d’une désarmante simplicité, jusqu’au plus nostalgique « Solitude » où brille la trompette de Ventzislav Blagoev, sans doute le morceau le plus intéressant de cet album : il ne faut jamais oublier que Kornazov a enregistré avec Kenny Wheeler il y a plus de vingt ans sur le magnifique G. Meets K. de l’OLH Acoustic de Geoffroy Tamisier, et que ce disque n’a cessé de guider la carrière du tromboniste. Il y a du Wheeler dans ces Réminiscences, tant dans l’écriture que dans la clarté du jeu. La discrétion de Gueorgui Kornazov n’a d’égale que sa virtuosité.