Chronique

J.-L. Rassinfosse et J.-P. Collard-Neven

Second Move

Jean-Louis Rassinfosse (b), Jean-Philippe Collard-Neven (p)

Label / Distribution : Fuga Libera

Difficile de déterminer où commence le jazz et où se termine le classique. Mais c’est ce qui fait encore et toujours la force et l’originalité de ce second album du pianiste Jean-Phillippe Collard-Neven et du contrebassiste Jean-Louis Rassinfosse. Dans la lignée du surprenant et merveilleux Regency’s Nights, le mélange des genres surprend, bien sûr, un peu moins. Enregistré en studio « conventionnel » cette fois-ci, le disque perd un peu de spontanéité et de dynamique par rapport au son qui émanait de la salle du conservatoire de Bruxelles.

Cela dit, la magie des compositions et la complicité des deux musiciens opèrent rapidement et jusqu’au bout. Avec « Regarde », on entre à pas feutrés dans cet univers délicat. Les échanges entre le contrebassiste et le pianiste respirent l’amitié, les sourires et la connivence. Le thème se développe et s’enrichit d’ailleurs avec souplesse et naturel, bien à l’image du duo.
Collard-Neven signe la plupart des compositions souvent sinueuses, toujours mélodiques. Amoureux de la musique classique et contemporaine, il propose également des œuvres de Brahms et Scriabine, tandis que Rassinfosse amène Carlos Jobim, Edu Lobo ou encore Michel Legrand.

« You Must Believe In Spring », que le contrebassiste a coutume de jouer avant chaque concert pour « s’échauffer », est éblouissant d’intimité et de profondeur. Rassinfosse laisse respirer le morceau, joue les variations et les accélérations comme on inhale des bouffées d’oxygène. Avec lui, la musique a toujours rendez-vous avec l’émotion.

Collard-Neven ne se contente pas de rester dans le rôle du pianiste classique, bien au contraire. Ses compositions possèdent d’ailleurs souvent un swing retenu (« Entre nous ») et lumineux (« Waiting For Her »), quand elles ne jouent pas franchement la syncope (« Ducky »). Un esprit que l’on retrouve également dans l’interprétation des pièces classiques. Cet amalgame de jazz et de musique « savante », rehaussé avec classe et inspiration par des harmonies souvent rieuses et un sens acéré de la mélodie, fonctionne à merveille.

Jean-Louis Rassinfosse ne propose, quant à lui, qu’une seule composition, mais pas des moindres : « Obssession ». Ici, l’échange entre le jeu contrasté des deux musiciens atteint son paroxysme. Le pianiste fait déferler les arpèges en tourbillons sur une ligne de basse entêtante. Le duo joue le chaud et le froid, la force et la douceur, la vigueur et le relâchement… et le mariage est parfait.

« Second Move » ressemble à écrin fragile qui renferme les conversations posées de deux amis. Dès lors, en espérant que le formule ne s’essouffle pas, on attend déjà la suite.