Scènes

Too Good to Gaume

Compte-rendu du Gaume Jazz Festival édition 2022.


Du 12 au 14 août 2022, le Gaume Jazz Festival s’est tenu dans le petit village de Rossignol dans le Luxembourg belge. De quoi fêter le retour d’une édition sans contrainte sanitaire.

Jean-Pierre Bissot, directeur du festival, a proposé pour la 38è édition du Gaume Jazz Festival un programme composé essentiellement de têtes d’affiche belges et françaises ; j’ai suivi les journées du vendredi et du samedi.

Antonio Serrano - Hugo Lefèvre

Vendredi 12, les 100 ans de Toots Thielemans obligent, le festival s’est ouvert par le quartet d’Antonio Serrano (harmonica) composé d’Albert Santz (p), Toño Miguel (cb) et d’Esteve Pi (perc). Du swing, avec « Soul Station » du saxophoniste Hank Mobley, du blues, sans oublier le passage quasi-obligé par « Bluesette » de Thielemans.
Je me dirige vers la seconde scène où un hommage aux arbres est rendu au travers de la musique de Garrett List, un compositeur et pédagogue étasunien expatrié en Belgique. Une trentaine de musiciens font sonner de petites piécettes dont chacune est introduite par une espèce d’arbre. La musique vogue entre jazz, électronique voire symphonique. Il y a un côté très Bernstein dans ces mélanges entre jazz, avant-garde et classique.

S’ensuit Nout, le trio mi-Zappa mi-Sun Ra avec Delphine Joussein (flûte), Blanche Lafuente (d), Rafaelle Rinaudo (harpe électrique). J’adore le mélange complètement destroy entre la harpe qui joue comme une guitare électrique, la flûte bourrée d’effets et les rock beats. Le trio passe du coq à l’âne sans finesse, et c’est génial.
Dernier set de la soirée, celui du saxophoniste Fabrice Alleman dans son projet plus ou moins hommage à Chet Baker, « Together in Spirit ». Il est accompagné de Nicola Andrioli (p), Jean-Louis Rassinfosse (cb) et du grand Philip Catherine (g). Le quartet a un son swing très smooth, façon old times, good times. Dès 23 h et pendant une heure et demie, le festival a décidé de mettre à disposition un set électro-jazz ainsi que d’ouvrir l’entrée du festival aux plus jeunes.

Fabrice Alleman « Now » - Hugo Lefèvre

Le samedi, le festival commence avec la restitution du stage des « P’tit Gaumais du jazz », encadré par le groupe des NERDS. Bonne ambiance et camaraderie au rendez-vous dans la restitution de ce spectacle où se mélangent reprise de rap, danse sur Le Livre de la jungle et passages comiques. En début d’après-midi, j’assiste à Grand Picture Palace, le projet de la contrebassiste belge Anneleen Boehme qui double son quintet (Rob Banken (cl), Cedric De Lat (tp), Berlinde Deman (tuba) et Matthias De Waele (d)) d’ un quartet à cordes avec Juno Kerstens, Rhea Vanhellemont, Linde Verjans et Laura Kennis. Entre jazz et classique, Boehme met à profit les passages très écrits et précis. Cedric De Lat a un très bon son et prend la majorité des chorus dans les morceaux. La contrebasse y garde une place centrale, à l’archet pour accompagner les cordes, en pizzicato pour walker et jouer sur une grille façon « I Got Rhythm ».

Grand Picture Palace - Hugo Lefèvre

Je découvre le EYM Trio avec Élie Dufour (p), Marc Micel (d) et Yann Phayphet (cb), qui ont invité pour leur set par la chanteuse et flûtiste indienne Varijashree Venugopal (voc). Les influences jazz et indiennes se mélangent et donnent une musique très aérienne et douce, même si l’hybridation des influences reste un peu en surface. Un gros concert du jour avec YôkaÏ, un collectif de musiciens bruxellois. On se croirait dans la BO soul d’un film des années 70s. Ça ronronne sous le basse-bat’, avec une guitare quasi math-rock et des cuivres entre le R’n’B et la funk. Les nappes des claviers viennent colorer le tout pour donner cette impression d’une nouvelle version des Blues Brothers. Pour la fin de la soirée, Fabrice Alleman nous livre sa deuxième carte blanche du festival, « Now ». On y retrouve Reggie Washington (b), Gene Lake (d), Jean-Paul Estievenart (tp), Wajdi Rihai (p, cl) et Diego Di Vito (g). Alleman présente sa vision en musique des différentes crises qui s’ouvrent devant nous. Le groupe sonne jazz-groove et fait appel à un rappeur qui vient poser son flow sur la musique d’Alleman. Le duo entre Alleman et Estievenart sonne parfaitement sur le groove de Washington et de Lake. On est presque sur un Jazzmatazz de Guru à la sauce écolo. Il faudra patienter un peu pour écouter ce groupe né de la résidence du festival, qui ne sera disponible qu’à partir de 2024 mais qui s’annonce d’ores et déjà prometteur.