Chronique

OGJB Quartet

Ode to O

Oliver Lake (as, ss), Graham Haynes (cnt, elec, fx), Joe Fonda (b), Barry Altschul (dms)

Label / Distribution : Tum Records

Après Bamako en 2019, Ode to O est le second album d’un quartet comme le label finlandais TUM aime nous en présenter. Alliance de musiciens renommés de la scène étasunienne, OGJB est l’acronyme des prénoms de ses membres qui embrassent largement l’histoire de nos musiques. Aux côtés du saxophoniste Oliver Lake, dont le jeu de rupture fait merveille sur son « Justice », on retrouve le cornettiste Graham Haynes, fils de Roy et membre émérite du M-Base : d’un Coleman à l’autre, c’est davantage d’Ornette qu’il est question sur ce bel album. « Ode to O » est évidemment un hommage, au thème simple et épuré, joliment travaillé par le cornet. Écrit le jour du décès de Coleman par le batteur Barry Altschul, ce morceau est une sorte de déclaration d’intention des directions prises par l’orchestre. Bien sûr, les soufflants virevoltent, mais c’est bien la base rythmique qui impressionne. La musicalité d’Altschul, telle qu’on la connaît notamment avec Levaillant et Phillips dans Alp, autre acronyme, fusionne idéalement avec la contrebasse de Joe Fonda. Lors de belles échappées, notamment dans cet hommage à Ornette, le jeu serein de Fonda met au jour la belle mécanique de l’OGJB.

Plus loin, avec « Bass Bottom », on peut goûter pleinement à l’efficacité de ce quartet. Fonda tient une ligne ferme qui s’appuie sur la solidité du batteur, offrant un canevas très robuste dont on retrouve toute la complexité dans « The Other Side », écrit par Haynes. Là, dans un registre plus contemporain où Altschul fait parler ses cymbales, le cornet semble s’extraire d’un tourbillon de tambours que chaque pizzicato semble porter vers le fond. Mais c’est un miroir déformant. Le morceau, central, offre à Graham Haynes d’utiliser une électronique dont il est friand et de transporter OGJB dans une autre dimension. Certes, « Da Bang » écrit par Altschul, perpétue les hommages aux figures du jazz et de la culture africaine-américaine (ici Billy Bang, après Cornel West dans Bamako), mais le quartet dépasse la fonction mémorielle, comme le confirme « Apaixonado » qui clôt l’album dans une nouvelle fusion de la batterie et de la contrebasse.

Ce travail sur la structure même du son prend naissance dans les deux morceaux « OGJB #3 » et surtout « OGJB#4 » où l’électronique de Graham Haynes plonge l’orchestre dans un dense brouillard d’où seul Joe Fonda semble s’extraire, avec le flegme dont il est capable. Avec Ode to O, OGJB paraît prendre une nouvelle direction, sans cependant infléchir l’élégante ligne droite qui était celle du premier album. Au regard des individualités présentes dans l’orchestre, toutes ces tangentes seront brillantes.