Taylor Ho Bynum & Jacqueline Kerrod
Simple Ways Such Self
Taylor Ho Bynum (cnt, flh, objets), Jacqueline Kerrod (hp, objets)
Label / Distribution : Orenda Records
Tous les deux en commun d’avoir travaillé avec Braxton en duo. Pour Taylor Ho Bynum, c’est connu et très régulier, quand c’est assez récent pour la harpiste sud-africaine Jacqueline Kerrod, apparue dans la galaxie Braxton assez récemment, au gré de la Zim Music et d’un disque salué pour son renouveau. C’est néanmoins une première d’entendre ces deux musiciens ensemble, dans une discussion qui ressemble à une découverte mutuelle, chacun cherchant le terrain de l’autre sans tomber dans les poncifs de leurs instruments respectifs ; la trompette est toujours ce serpent fureteur qui s’insinue partout, quand la harpe évite tous les chausse-trapes de la joliesse et de l’éther. « Zade / A Simple Ending », écrit par Ho Bynum permet d’entendre une harpe qui joue elle aussi en rupture autour de toutes sortes d’artifices utilisés comme sourdine. Parfois, on croirait presque que Kerrod sonne comme une guitare classique ou une kora : c’est une remarquable altérité qui se créée presque en temps réel mais sans urgence.
Simple Ways Such Self sait jouer avec malice du rôle assigné aux instruments dans un orchestre. Avec « No Such Things », un des morceaux collectifs du duo, la harpiste joue la carte d’un certain chambrisme avant de faire monter la tension dans un jeu plus nerveux, avec un claquement de cordes plus sec quand la trompette se fait elle-même plus dure avant de s’effacer, s’abandonnant à un ronflement plus lointain. Rangé dès le premier morceau sous la figure de Lester Bowie à qui « Frederick Fanfare » est dédié, Bynum et Kerrod jouent la découverte sur le temps long, jouant avec la masse sonore et la distance entre le souffle et les cordes.
Enregistré en public, on perçoit l’héritage braxtonien du duo dans le remarquable « The Self is Ever Stirred », certainement le plus urgent de l’album. Le jeu rauque de Taylor Ho Bynum, proche d’un simple souffle scorieux, offre à Jacqueline Kerrod la possibilité de jouer avec tout le spectre de son instrument, du raffinement le plus pur, empli d’étrangeté, jusqu’au jeu plus colérique qui bat en brèche tous les impensés. La pochette l’illustre à merveille : un mur nu en brique et la harpe et la trompette, le cadre expurgeant les musiciens. L’instrument, rien que l’instrument.