Chronique

Jason Roebke

Every Sunday

Jason Roebke (b), Matthew Schneider (g), Marcus Evans (dms)

Label / Distribution : Clean Feed

Jason Roebke a tout du compagnon idéal. Musicien attentif et inventif, il est un sideman recherché. Sa discographie imposante, ainsi que sa relation pédagogique privilégiée avec Roscoe Mitchell n’y sont sans doute pas étrangères. C’est ainsi que lorsqu’on le cite, on l’associe toujours à ses voisins, principalement ceux du quintet Rolldown, à commencer par Jason Adasiewicz ; c’est aussi le cas des autres membres, dont Frank Rosaly avec qui il forme l’une des paires rythmiques les plus excitantes de la période qu’on retrouve notamment au sein du trio de Josh Berman (A Dance & A Hop, sorti récemment chez Delmark). On a eu un aperçu de ces liens puissants dans les aventures transatlantiques de Christof Erb. Sa grande stabilité rythmique l’a très vite consacré comme un musicien de trio, avec Jeb Bishop et Harris Eisenstadt par exemple.

Ainsi, le découvrir en leader a quelque chose d’absolument réjouissant. Certes, il y avait eu, en 2014, un octet qui célébrait la scène de Chicago (High Red Center, Delmark), mais Every Sunday représente le premier enregistrement en trio sous son nom. Pour l’accompagner dans cette musique qui se laisse du temps pour bâtir une atmosphère assez éthérée, loin de la tension habituelle de ses prestations, on trouve deux partenaires bien présents sur la scène de Chicago, quoique plus discrets. Marcus Evans est membre du Black Earth Ensemble de Nicole Mitchell. Ici, notamment sur « So Big  », il souligne avec beaucoup de retenue les tentations mélodiques de Roebke, remarquable à l’archet. Le batteur n’a pas un rôle de liant, c’est au contraire un pourvoyeur d’espace, un créateur de relief qui caresse le silence. Quant au guitariste Matthew Schneider, il est un acolyte régulier de Josh Berman. Son jeu limpide, où les cordes métalliques claquent sans effets superflus est pour beaucoup dans la sérénité qui se dégage de ce dimanche entre amis. Ils portent avec bienveillance la douce errance de la contrebasse

A ce titre, l’ouverture de « Every Sunday  » a quelque chose de troublant, tant on se croirait dans un solo. Les pizzicati s’égrainent avec une finesse remarquée. Le bois de la contrebasse chante dans un environnement recueilli pendant de longues minutes avant que ses comparses ne le rejoignent à pas de loup. La guitare de Schneider s’immisce dans ce libre monologue par des phrasés raffinés qui évoqueront de lointaines et impalpables réminiscences de bop. Every Sunday éclaire le parcours de Roebke d’un jour nouveau. Une œuvre surprenante et chaleureuse d’une grande sensibilité.