Delore - Sclavis - Boisseau
Langues et lueurs
Jean Paul Delore (voc), Louis Sclavis (cl, bcl, hca, sanza), Sébastien Boisseau (b)
Label / Distribution : Yolk Records
Dieudonné Niangouna doit sourire, ses œuvres littéraires résonnent sur scène animées par le romanesque et la désespérance qui émanent de la voix chaleureuse de Jean-Paul Delore. Des Afriques transparaissent, celles des guerres civiles et de la colonisation française, celles indissociables de la jeunesse rebelle et des lendemains prometteurs d’espoir. L’agitation urbaine n’est pas très loin, les corps liés, le temps délié, ce voyage vers un arbre de vie se décline à trois. Louis Sclavis réinvente les airs populaires. Il les transporte comme sa « Petite valse » intégrée à « Vient baiser par ici ma Lulu », … il faut avoir de l’amour si jamais c’est important, et il faut avoir du baiser, qui est très important…
La sanza vibre, pincée tout comme le sont les sentiments de révolte de Sony Labou Tansi, sa « Lettre infernale » éclabousse, le dégout y est magnifié, loin de l’ancestrale nature vertueuse. L’harmonica insuffle une substance vénéneuse et se mélange à la langue originaire des oppresseurs. L’enfermement cérébral prodigué par Dambudzo Marechera célèbre les mots précieux, les maux cruciaux renvoyant à l’omniscience. Louis Sclavis s’y immerge profondément, lui qui est un passeur mémoriel, petit-fils de l’enseignante Hélène Robin, Juste parmi les Nations, et qu’il célébra dignement à Courmangoux. Les rites imagés en des notes scandées à l’archet par les soins de Sébastien Boisseau se fondent pour atteindre l’ataraxie.
Langues et lueurs exhorte à réinventer les préceptes philosophiques et artistiques. La métrique rythmée de « L’acte de respirer » de Sony Labou Tansi, les effluves aigres-douces de « L’adieusiste » de Mia Couto et les trouvailles troublantes de « Paroles de celui qui étouffe » d’Henri Michaux convergent vers l’abolition d’un modèle anthropologique effrayant. Face aux blessures issues de ces textes marqués par l’insoumission, le trio met en équation des valeurs humanistes actuelles qui doivent permettre l’émergence d’une universalité.