Chronique

Jean-Philippe Viret

Les Idées heureuses

Jean-Philippe Viret (b, comp), Eric-Maria Couturier (cello), David Gaillard (alto), Sébastien Surel (vln)

Label / Distribution : Melisse

Construire avec patience un univers et en explorer les contours, les franchir parfois, persister pour laisser éclore ce que la musique réserve aux musiciens qui lui accordent le temps de l’épanouissement, telles sont deux caractéristiques propres à Jean-Philippe Viret, fantastique contrebassiste et subtil compositeur qui choisit d’aller au bout des choses, de creuser son sillon ou, plus exactement, de parfaire l’expression collective de ses formations.

C’est précisément l’objet de son travail avec son trio, dont le son et la poésie se sont affinés au fil des sept albums réalisés. C’est aussi ce qu’il advient de ce quatuor dont Les Idées heureuses est la deuxième réalisation, quatre ans après Supplément d’âme qui constituait un virage important et au sein duquel se trouvaient déjà une reprise du trio ainsi qu’une composition de François Couperin. Le contrebassiste tisse des liens forts entre ses influences, son propre travail et ses nouvelles évasions.

Cette fois, le compositeur du XVIIe siècle occupe une place centrale puisque l’album porte comme sous-titre « Autour de François Couperin ». Une de ses compositions y figure, « La Muse-Plantine », et Jean-Philippe Viret s’est inspiré de ses travaux pour trois de ses propres pièces. Les autres sont indirectement liées au spécialiste du clavecin par leur dimension lyrique et les couleurs orchestrales soyeuses trouvées par le quatuor. A tel point que « Peine perdue », l’un des morceaux emblématiques du trio, trouve ici avec sa nouvelle forme une place tout à fait légitime.

La cohérence est telle que Les Idées heureuses prend des airs de recueil. Un recueil de pièces magnifiquement ciselées, faites de subtiles mélodies, d’arrangements soyeux qui mettent en lumière quatre belles sonorités et les fait se marier dans une large gamme de couleurs, de passages où l’improvisation présage des envolées à venir ou leur donne une suite empreinte d’une poésie parallèle. L’élégance de l’entremêlement du « langage ancien » et de la modernité des échanges doit bien évidemment au travail de mise en forme de Jean-Philippe Viret, mais aussi à l’interprétation et l’appropriation par Eric-Maria Couturier, David Gaillard et Sébastien Surel de ce matériau musical fragile, exigeant et très ouvert. Car si la musique semble de prime abord le résultat d’une démarche collective très cadrée, elle s’avère gorgée d’intentions personnelles, de solos remarquables, de conversations audacieuses et de contre-emplois imprévisibles.

Fidèle à ce qui constitue sa signature, Jean-Philippe Viret nous invite à un nouveau voyage avec une œuvre à la cinématique forte où sont conciliés les beautés d’un lyrisme intense et les méandres du jeu spontané à quatre.