Scènes

Laïka 4tet au Manu Jazz Club (Nancy)

Les mois se succèdent, voici déjà le sixième épisode de la saison 1 du Manu Jazz Club à Nancy. Devant une salle bien remplie, Laïka fait passer le frisson de son chant intime.


La fin de la première saison du Manu Jazz Club approche et c’est un Théâtre de la Manufacture bien rempli qui accueille avec chaleur la chanteuse Laïka et les musiciens de son quartet. Un concert intime parcouru d’un frisson d’une grande humanité.

Laïka © Jacky Joannès

Elle s’avance sur la pointe des pieds, seule, et entame a cappella « Caico », extrait de l’album Nebula, publié voici trois ans. Laïka dont les racines sont à la fois ivoiriennes, marocaines et espagnoles, et qui est aussi comédienne – on la connaît parfois sous le nom de Laïka Fatien - n’est pas de celles qui s’imposent par leur puissance vocale mais plutôt par l’intensité d’un chant tout en retenue, en harmonie avec une âme qui vibre de l’histoire des peuples opprimés : elle évoque ainsi Margaret Gardner, cette esclave qui réussit à s’enfuir et choisit de tuer son enfant pour qu’il échappe à sa condition au moment où elle fut rattrapée (voir Beloved, de Toni Morrison (1987)).

Elle peut compter pour y parvenir sur un trio de musiciens dont les styles distincts collent bien à sa personnalité multiple qui va célébrer les artistes qu’elle admire (Abbey Lincoln ou Billie Holiday, à qui elle a rendu hommage en 2008 avec Misery) et qui l’inspirent, Joe Henderson, avec « Black Narcissus », Thelonious Monk avec « Think Of One »). Derrière elle, le contrebassiste Christopher Thomas est la colonne vertébrale : sans le soutien d’un batteur, il doit allier puissance et souplesse, force d’évocation et caractère intime, pour un répertoire sous-tendu par la sensualité. Pierre-Alain Goualch, de son côté, offre un contrepoint plus hypnotique, tout en éclats de lumière, jouant parfois de ses deux claviers en même temps. Il trouve en Eric-Maria Couturier un partenaire peu banal : sur le fil de la dissonance, le violoncelliste de l’Intercontemporain fait basculer la musique du côté de l’incertain et du vacillement mélodique, et la pousse dans ses retranchements.

Un jazz singulier, aux allures de musique de chambre, mais imprégné aussi bien de blues ancestral que d’échappées libertaires plus contemporaines. Le cocktail a séduit le public, venu une fois de plus nombreux. Voilà qui augure bien de l’avenir du Manu Jazz Club. Laïka, quant à elle, a gagné son pari : celui d’une émotion transmise avec discrétion, pour un hommage à celles et ceux qui l’ont précédée et qui continuent de vivre avec élégance à travers elle.