Chronique

Jean-Pierre Como

My Little Italy

Jean-Pierre Como (p), Walter Ricci (voc), Felipe Cabrera (b), Rémi Vignolo (b), André Ceccarelli (dms), Minino Garay (perc) + Louis Winsberg (g), Christophe Lampidecchia (acc).

Label / Distribution : L’Âme Sœur / Bonsaï Music

Publié à la fin du mois de février, cet album tombe à pic en ces heures sidérantes de pandémie et de confinement. Plus question de sortir de chez soi sauf obligation, encore moins de voyager. Les avions restent au sol, les aéroports sont fermés. Alors l’idée d’un voyage en Italie ne peut que séduire, à condition toutefois que celui-ci soit immobile et imaginaire. Comme s’il s’agissait de croiser Michel de Montaigne et Fernando Pessoa… Dans ces conditions, on peut faire confiance à Jean-Pierre Como pour nous embarquer avec lui vers des rivages chauds et tendres, ceux plus ou moins rêvés de ses origines transalpines. Avec lui, c’est assez simple finalement : il suffit de fermer les yeux, d’imaginer des paysages méditerranéens bercés par la lumière chaude d’un soir de printemps, de ressentir des parfums sucrés, de déambuler tranquillement dans une ville aux rues étroites et peuplées. Entre balades et ballades nocturnes durant lesquelles on pense à mille choses. Vraies ou pas, ces images projetées mentalement sont le sel de sa musique.

Après Europa Express en 2015 et, plus récemment, Infinite en 2018, le co-fondateur du groupe Sixun signe son douzième album en son nom depuis une trentaine d’années. Tout avait commencé par un Padre en 1989, dont le titre disait déjà beaucoup de sa passion pour cette Italie idéalisée et de la nécessité de célébrer ses racines. Autant dire que My Little Italy a des allures de déclaration d’amour, plus que jamais. Surtout que le pianiste fait équipe avec le chanteur Walter Ricci (déjà à l’affiche de Europa Express) et qu’on peut compter sur ce dernier pour parer la musique de Jean-Pierre Como d’atours enjôleurs. Presque crooner mais refusant la mièvrerie, l’Italien berce et caresse, fait vibrer la corde du charme : pourquoi faudrait-il s’en plaindre, après tout ? Écoutez « Quando » de Pino Daniele par exemple. Parfois si le rythme s’élève, le temps d’une sorte de tarentelle aux accents brésiliens (« Mania ») ou d’une chanson pop en anglais (« These Four Walls ») où Walter Ricci chante un texte de Hugh Coltman jusqu’à rapprocher sa voix de celle de l’Anglais, c’est pour mieux revenir au balancement tranquille d’une musique pacifiée. Comme un retour à la maison. Les puristes du jazz se régaleront par ailleurs de « Chorino Amalfitano », le deuxième instrumental de l’album, et de son interprétation tendue comme un arc. Jean-Pierre Como y rayonne.

Côté coups de main, Jean-Pierre Como s’est bien entouré : l’inoxydable André Ceccarelli fait valoir le jeu tout en souplesse de sa batterie, Felipe Cabrera et Rémi Vignolo se partagent les rondeurs gourmandes de leur contrebasse et puisque le rythme, souvent chaloupé, est le moteur de ce disque nostalgique, Minino Garay se voit confier le rôle de l’expert en percussions. Bons choix, donc. On n’oubliera pas la présence de deux invités, le vieux complice Louis Winsberg toujours juste à la guitare et Christophe Lampidecchia à l’accordéon (le temps d’un émouvant « Dolce Tango » instrumental).

Parvenu à la fin de My Little Italy, on est pris d’un doux vertige et d’un double désir : repartir au plus vite vers ce pays frère si chaleureux et remercier Jean-Pierre Como pour ce doux périple qui n’appartient qu’à lui et qu’il partage avec la générosité qui est la sienne. Il suffit de se laisser aller et ça fait un bien fou…