Scènes

Jowee Omicil : Omicil volontaire à Nancy

Fin de saison au Manu Jazz Club avec le saxophoniste Jowee Omicil.


Jowee Omicil © Jacky Joannès

Il n’est pas celui qu’on attendait, mais son quartet a répondu présent à l’appel lorsqu’il a fallu trouver un remplaçant à Joe Armon-Jones. À défaut de renverser la grande table du jazz, Jowee Owicil a « fait le job », pour dire les choses en quelques mots. En attendant mieux, sans doute, un peu plus tard…

Pour des raisons qui lui appartiennent – une sorte de Brexit avant l’heure – Joe Armon-Jones a choisi de faire faux bond à l’équipe de Nancy Jazz Pulsations pour le dernier rendez-vous du Manu Jazz Club cette année. Cette défection du Londonien ayant été connue suffisamment à l’avance, un remplaçant a pu être trouvé en la personne de celui qu’on présente comme un « Canado-Haïtien », le saxophoniste Jowee Omicil. C’est donc une découverte pour une grande partie du public nancéien qui a correctement rempli le Théâtre de la Manufacture.

Le musicien quadragénaire est annoncé comme une sorte de kaléidoscope vivant dont la musique brasserait des influences multiples incluant classique, funk, échos des Caraïbes, d’Amérique latine ou d’Orient, un soupçon de rap et bien d’autres sources d’inspiration. Autant d’ingrédients qui seraient en quelque sorte la carte d’identité de celui qui reconnaît en outre l’impact majeur de John Coltrane ou Miles Davis sur son chemin artistique. À voir, ou plutôt à écouter… Surtout quand on sait que ce musicien – c’est lui-même qui l’affirmait à l’occasion de la sortie de Love Matters !, son dernier album – est capable d’enregistrer 115 morceaux, soit l’équivalent de 10 albums, en quatre jours. Tout cela pour un seul homme !

du jazz sans trop d’aspérités, sans doute pas aussi novateur que celui qui bruisse du dossier de presse

Sur scène, ils sont quatre : autour de celui qui passe en sautillant du saxophone alto au soprano avant d’attraper fugitivement un bugle, on trouve le guitariste Nenad Gajin, le bassiste Jendah Menga et la batteuse Delphine Aurélie Langhoff. Sans attendre, sourire aux lèvres, le regard à l’abri derrière une paire de lunettes de soleil, Omicil apostrophe le public, l’incite à chanter avec lui. Il y a chez lui un enthousiasme auquel les spectateurs répondent, mais plutôt timidement. Ce n’est pas vraiment le genre de la maison, il faut bien le dire. Ici, tout est plutôt feutré, assez loin d’une ambiance « club de jazz » ou de celle du Chapiteau de la Pépinière, lieu emblématique de NJP, bruits de gobelets en plastique écrasés sous les pieds inclus.

Jowee Omicil © Jacky Joannès

Tout cela avance assez tranquillement et le quartet distille une musique qui, nonobstant la gestuelle bondissante de Jowee Omicil, peine à trouver un chemin qui lui semble propre. Reconnaissons-le, la rythmique n’est pas très en verve : la batterie est plutôt pesante, elle peut tout juste compter sur le coup de main d’une basse qui se balade avec une forme de nonchalance qui confine à l’indifférence. Il y a du funk, c’est vrai, un peu de tango aussi, du jazz sans trop d’aspérités, honnête et sincère, mais sans doute pas aussi novateur que celui qui bruisse du dossier de presse. Seule la guitare de Nenad Gajin, à coups de zébrures électriques et parfois dissonantes, vient rayer de temps à autre ce parquet bien ciré. Pour autant, on n’a pas envie d’accabler Jowee Omicil, qui force la sympathie et ne ménage pas ses efforts pour partager son plaisir. Le saxophoniste joue à l’énergie, mouille la chemise comme on dit trivialement. Il lui reste encore, peut-être, à laisser son idiome mûrir un peu pour que se fasse entendre sa petite musique bien à lui. C’est tout le bien qu’on lui souhaite.

À la pause, une spectatrice, plutôt satisfaite de ce qu’elle vient d’entendre, me dit que le saxophoniste a joué « un peu de tout ». Elle a raison. C’est même, sans doute, le problème de Jowee Omicil. On aurait envie d’une direction mieux définie, d’un fond plus identifiable, au-delà d’une forme toujours enjouée.

La saison 2018-2019 du Manu Jazz Club est terminée. Nancy Jazz Pulsations annonce petit à petit les têtes d’affiche du festival qui se tiendra du 9 au 19 octobre prochains. Quant à ce rendez-vous mensuel de novembre à mai, sans être remise en cause, il fera partie d’un ensemble plus large baptisé NJP Sessions.
Affaire à suivre, donc, et tous nos vœux de réussite à l’équipe du festival pour les mois à venir.

par Denis Desassis // Publié le 26 mai 2019
P.-S. :

Sur la platine : Jowee Omicil : Love Matters ! (Jazz Village – 2018)