Chronique

Keith Jarrett

The Budapest Concert

Keith Jarrett (p)

Label / Distribution : ECM

The Budapest Concert, double album, est la capitation intégrale d’un concert solo que Keith Jarrett a donné à Budapest en 2016. Il y a eu des précédents, ceux de Kyoto et Osaka gravés sur le Sun Bear Concerts, Vienne, Paris, La Scala et, bien entendu, le Köln Concert de 1975, celui par lequel tout est arrivé ou presque, l’album très certainement le plus connu du pianiste et disque phare du label ECM. On serait donc tenté de comparer, au risque de n’avoir de la musique en solo de Jarrett qu’une vision mesurée au seul mètre-étalon de Cologne.

Comme souvent chez le pianiste, les pistes s’intitulent « Part » suivi du numéro de leur apparition dans l’album (et donc du concert). Ici, on en trouve douze – avec le qualificatif « blues » pour la dernière – suivies de deux reprises, « It’s A Lonesome Old Town » qui figurait déjà sur le solo de Munich, issu de la même tournée européenne, et « Answer Me », réinterprétation métamorphosée d’« Answer Me My Love ». Terminer des improvisations libres par la revisite d’un standard, ce n’est pas la première fois qu’un album de Keith Jarrett est ainsi organisé. La Scala se clôture en effet avec une superbe interprétation de « Over the Rainbow ». A Budapest, on imagine aisément que le public a dû être soufflé par la beauté de ces deux reprises. Elles sont saisissantes : de grandes respirations, intenses, touchantes, et on imagine les spectateurs ressortir complètement abasourdis d’un tel concert. D’ailleurs l’ovation qui suit « It’s A Lonesome Old Town » est elle-même très appuyée.

Les improvisations qui précèdent sont tout aussi soutenues. Ce sont pour la plupart des mouvements courts et aucune, si ce n’est la première, ne dépasse les dix minutes. Là où Keith Jarrett construisait autrefois d’immenses pièces, on a ici une succession d’improvisations libres, indépendantes les unes des autres comme autant de fenêtres qui donnent sur une inspiration qui semble ne jamais s’épuiser.