Chronique

Ken Vandermark, Barry Guy & Mark Sanders

Fox Fire

Ken Vandermark (ts, cl), Barry Guy (b) & Mark Sanders (dm, perc)

Label / Distribution : Maya Recordings

Le Free Jazz, des deux côtés de l’Atlantique, a souvent un aspect poussiéreux. Jouée par des formations de vétérans à géométrie variable, cette musique qui fut innovante et libératrice exhale le plus souvent, de nos jours, un fort parfum de musée. La liberté apparente que lui confère le principe d’improvisation totale se traduit dans les faits par la réitération de formules et procédés qui ne produisent pas plus d’effets de surprise que d’instants magiques. Il est du reste logique que des musiciens ayant joué pendant des décennies la même musique avec les mêmes partenaires peinent à retrouver les instants miraculeux qui, parfois, marquent les débuts.

Cependant, toute règle comporte une ou plusieurs exceptions, et Fox Fire, publié par le label Maya qu’animent le bassiste Barry Guy et sa compagne Maya Homburger, en est une. La présence énergétique de Ken Vandermark, ici au ténor et à la clarinette, l’enregistrement en live – à l’occasion de concerts données en novembre 2008 à Birmingham et Leeds – et la réunion du bassiste Barry Guy avec le batteur, percussionniste et grand coloriste Mark Sanders contribuent à faire de cette musique, placée sous le signe de légendes finnoises et hopi, une suite de moments où l’élan est rarement perdu, et où la variété des climats servie par la richesse des couleurs rend impossible tout ennui, fréquent compagnon des concerts de free jazz contemporain.

L’usage abondant de la clarinette et de son potentiel mélodique, du ténor avec un son toujours aussi « velu », le recours fréquent à l’archet et aux techniques étendues, l’appel à un vaste arsenal de percussions, permettent aux trois hommes de produire des sons inattendus et savoureux dont l’origine n’est pas toujours facile à identifier. Pas de bruitisme gratuit ici, mais on devine que des histoires nous sont contées, avec ces instruments-personnages tour à tour effrayants ou rêveurs.

Il est nécessaire cependant de prévenir les oreilles inexpérimentées : les lois du genre, strictement respectées ici, excluent soigneusement tout ce qui pourrait ressembler à un groove ou à un thème mémorisable, et les musiciens se laissent parfois aller à un torrent informe joué très fort. On le leur pardonnera en attendant qu’ils usent plutôt des nuances dont ils démontrent, avec ce bel album, leur parfaite maîtrise.