Portrait

Tim Daisy à l’école de Chicago

Le batteur américain met à profit l’arrivée dans la Cité des vents de l’immense violoniste Mark Feldman.


Tim Daisy @ Steve Kaiser

Tim Daisy doit sa renommée en grande partie à son association avec le Vandermark 5 qui lui a permis d’asseoir sa réputation. Quasiment autodidacte, sa carrière de musicien est presqu’accidentelle. Depuis, il a parcouru bien du chemin pour devenir une figure phare de la scène de Chicago.

Tim Daisy n’a pas étudié la musique dans un conservatoire. « Mon école, c’était l’Empty Bottle [1], affirme-t-il. Le mardi, j’allais écouter le Vandermark 5 que (le saxophoniste) Dave Rempis venait de rejoindre, et le mercredi, Ken Vandermark et John Corbett présentaient des musiciens de passage. » Il débarque en effet à Chicago en 1997 où il commence par faire la connaissance de Rempis. Il prend également des leçons privées avec Tim Mulvenna, alors batteur du Vandermark 5. Mais il végète au sein de la scène locale et envisage sérieusement de reprendre ses études. « J’étais sur le point de retourner à l’université pour terminer un diplôme de premier cycle en sciences humaines, dit-il. J’étais impatient peut-être et même un peu déprimé, car les choses n’avançaient pas. » Fin 2021, au moment de reprendre les cours, le saxophoniste Ken Vandermark lui propose de rejoindre son groupe que vient de quitter Mulvenna. Sur l’avis inattendu de son conseiller d’orientation à l’Université de l’Illinois, il choisit d’accepter cette offre.

Tim Daisy @ Andrew Lyon

Après la dissolution du Vandermark 5 en 2010, Daisy va diversifier ses collaborations sans cesser de travailler avec le saxophoniste qu’il rejoint au sein de Made to Break en 2012 mais aussi du Resonance Ensemble et d’Audio One. Parmi ses autres activités, on citera notamment l’excellent trio Vox Arcana avec le clarinettiste James Falzone et le violoncelliste Fred Lonberg-Holm, trio récemment devenu un quatuor avec l’arrivée de la violoniste Macie Stewart. Lorsqu’il décide de fonder une famille et d’avoir des enfants, il met cependant un frein aux tournées. « Je ne voulais pas être le père qui n’est jamais là, explique-t-il. Bizarrement, avoir des enfants m’a permis de m’améliorer en tant que musicien. Mon emploi du temps étant plus réglé, je suis plus concentré et plus productif. La contrepartie, c’est que je suis plus facilement fatigué. »

En 2021, Daisy commence à collaborer avec le violoniste Mark Feldman. Ils avaient déjà joué ensemble lors de l’édition 2017 du Chicago Jazz String Summit organisé par la violoncelliste Tomeka Reid, une première rencontre restée sans lendemain. Mais avec l’installation de Feldman à Chicago, l’opportunité s’est présentée de renouer les liens. Ainsi, lors du premier Catalytic Sound Festival organisé en octobre 2021, à l’invitation de Vandermark, un des architectes de l’événement, nos deux hommes se sont retrouvés pour un moment fort auquel tout le monde peut aujourd’hui goûter avec la sortie de Circle Back chez Relay Recordings, le label que Daisy a créé en 2011. Un concert enlevé avec quelques accents klezmer et un Daisy laissant libre cours à sa fantaisie face à un Feldman inquisiteur. Les deux musiciens collaborent également au sein d’un superbe quartet dirigé par le trompettiste Russ Johnson et complété par le contrebassiste Ethan Philion. « Curieusement, ce projet nous a permis d’approfondir notre relation en duo », dit Daisy.

Tim Daisy @ Alain Drouot

En dépit de sa vie de papa-poule, les activités abondent. En début d’année, il dévoile deux nouveaux projets : une rencontre des générations en compagnie de son vieux camarade Josh Berman au cornet et de deux jeunes pleins de promesses, le contrebassiste Jakob Heineman et la saxophoniste Molly Jones ; et le trio Birdwatchers avec le chanteur Marvin Tate and le saxophoniste Mars Williams. Il écrit également de la musique pour un duo avec la violoncelliste Erica Miller. Enfin, des tournées sont prévues avec Earscratcher, le quatuor composé de Rempis, de Lonberg-Holm et de la pianiste autrichienne Elizabeth Harnik, et avec Inner Ear : une formation comprenant le tromboniste Steve Swell, le joueur de tuba suédois Per Åke Holmlander et le saxophoniste polonais Mikołaj Trzaska. De quoi avoir beaucoup de choses à raconter à ses enfants… et petits-enfants.

par Alain Drouot // Publié le 12 juin 2022

[1Un club à l’ouest du centre-ville.