Chronique

Kumquat

Blast

Sylvain Choinier (g, fx), Raphaël Quenehen (bs, as, ss, fx), Clément Lebrun (b), Julien Bloit (dms)

Label / Distribution : Label Vibrant

Membre du collectif rouennais des Vibrants défricheurs, le guitariste Sylvain Choinier (voir notre interview) a toujours aimé les univers traversés de tensions et de mouvements qui aiment à rencontrer rock et jazz sans jamais s’enfermer dans une routine limitative. On l’avait découvert, avec son comparse saxophoniste Raphaël Quenehen, également membre du collectif (et qui fait désormais les beaux jours de Papanosh ou de la Compagnie Lubat) voici cinq ans dans Kumquat avec l’album Quick and Dirty, où Stravinsky se combinait à une énergie bruitiste héritée de Zorn ou de Ducret. Avec Blast, deuxième album sorti sur le label des Vibrants défricheurs, on retrouve un quartet au ton plus mûr et paradoxalement plus acide. La tension est désormais omniprésente, le propos encore plus dense et collectif.

Le Blast est un effet de souffle qui peut provoquer des dégâts plus pernicieux que l’explosion proprement dite. Par sa puissance sonore, mais aussi par la force brute de l’onde de choc. C’est dans la virulence de ce souffle que les quatre artificiers inscrivent leurs compositions, pleines d’électricité et de fureur. « Perl Poetry » évoque un compte à rebours où le sax baryton et la guitare se mêlent dans d’inquiétantes homophonies. Celles-ci seront bousculées par la basse électro-acoustique tonitruante de Clément Lebrun, qui donne à Kumquat sa dureté nouvelle à l’aide de beaucoup d’effets, et notamment de distorsion. La première salve d’explosions suivra avec « Fortune Boogie », blues écorché plein de métal où la voix traitée de Quenehen vient exciter un base rythmique à fleur de peau, portée par la batterie de Julien Bloit.

De la voix, on en trouve partout sur Blast. Dans les pédales d’effets de Quenehen, qui trouve sa plus belle expression avec le très rock « Metronimik », où le jeu de masques entre instruments est tel qu’on peine parfois à savoir qui joue de quoi (effet troublant que l’on retrouvera en fin d’album sur un « Siamois » en forme de manifeste). Mais aussi dans le téléphone portable de Choinier, qui surgit de sa guitare devenue objet électrique polymorphe. C’est une des trouvailles les plus intéressantes de l’album - elle apporte une certaine étrangeté à son atmosphère très urbaine. On traverse ainsi le « Mutter Beimlein » de Hanns Eisler comme glissé dans une bulle au milieu de la foule, le thème joué au saxophone soulignant la tension sous-jacente. La force de Kumquat est de mélanger l’énergie brute à des formes écrites, anciennes ou contemporaines, pour ouvrir tous les chemins de traverse. C’est bien sûr le cas de la pièce d’Eisler, mais également de « Pax in nomine domini », qui s’inspire de chants de pèlerins en les confrontant à la rageuse distorsion de la basse. On ne se lasse pas de cet album jalonné de surprises, signé par un quartet qui s’autorise à bousculer les chapelles. L’effet de Blast résulte avant tout d’un magnifique feu d’artifice.