Chronique

Anna Webber Simple Trio

simpletrio2000

Anna Webber (ts, fl), Matt Mitchell (p), John Hollenbeck (d).

Label / Distribution : Intakt Records

Dix ans après la création du Simple Trio d’Anna Webber avec le rythmicien John Hollenbeck et le pianiste Matt Mitchell, c’est avec grand intérêt que nous retrouvons cette formation dans un exercice similaire. En dix ans, elle s’est nourrie des influences de chacun, et le jeu d’Anna Webber, ce son et cette rigueur si familière se confrontent avec beaucoup de bonheur au travail précis et obsessionnel d’Hollenbeck. Bloc contre bloc, à la manière des engrenages, le piano de Mitchell venant alimenter une mécanique volontiers entropique, voici ce qui apparaît sur « Slingshot », le premier morceau voulu presque comme un manifeste ; la main droite du pianiste est dure et pleine d’une rage volontiers désincarnée qui donne du mouvement et une fièvre grandissante à la batterie.
 
Tout est affaire de langage. On sait Anna Webber très concernée par l’écriture et la volonté de transcender un jazz qui regarde volontiers vers la musique contemporaine et la musique ancienne, en témoigne son travail sur l’intonation juste qui trouve ici quelques échos (« Moveable Do »). Quant à la contemporanéité, c’est presque naturellement avec l’un de ses Idiom qu’elle apparaît le plus clairement ; « Idiom VII » est un avatar du travail qu’elle mène depuis le début de cette décennie, et qui concernait le trio. Fait de motifs répétitifs sans cesse remis en question par de lentes écorchures du saxophone, ce morceau est sans nul doute le sommet de l’album par la cohésion remarquable des musiciens qui jouent avec un grand naturel une musique assez complexe.
 
C’est la nature même du trio que de jouer simple. Il y a dans cette musique de Webber comme une capacité à tout rendre clair, voire lumineux, même les équations complexes de « Miiire » où Anna Webber passe à la flûte dans un entrelacement vertigineux de Hollenbeck et de Mitchell. Ce qui pourrait passer pour tortueux et sibyllin apparaît avec la luxuriance d’une plante vivace, jamais rassasiée de s’étendre et de jeter çà et là quelques fleurs. Anna Webber est vraiment l’une des compositrices qui comptent le plus pour l’époque. La rencontre avec ses deux compagnons et la pertinence de son échange avec son batteur sont une définition assez simple – forcément – de l’interplay débarrassé de tous les carcans.

par Franpi Barriaux // Publié le 13 avril 2025
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