Chronique

Laurent Coulondre

A Trip in Marseille

Laurent Coulondre (p)

Label / Distribution : Paradis Improvisé

Pour qui suit la carrière musicale de Laurent Coulondre, il était évident qu’un solo allait venir enrichir une discographie déjà bien remplie. Car le pianiste est prolixe. Il a des choses à dire, beaucoup et toujours fort à propos. Depuis Gravity Zero jusqu’à ce Trip in Marseille, en passant par de très nombreuses collaborations, on le croise sur des disques et sur des scènes à travers toute l’Europe.

On pressentait donc ce solo. En tout cas, c’est un format qui manquait à ses projets. C’est à l’initiative d’Hélène Dumez, fondatrice du label marseillais Paradis Improvisé, qu’il s’est lancé dans l’aventure avec un résultat tout à fait conforme à ce qu’on pouvait attendre : c’est de haute volée. Tout file très naturellement et, dès les premières notes – celles de « Choriniño » -, on perçoit la capacité de Laurent Coulondre à aller à l’essentiel. Pas de fioritures, de phrases pour ne rien dire, pas de logorrhée. Tout est dit simplement, tout a du sens, tout est clair et transparent. Et c’est ainsi d’un bout à l’autre du disque.

Mais, plus encore, on perçoit le volume des huit morceaux qui constituent l’album. Car s’il va à l’essentiel, il le dit avec précision, avec un discours fouillé, solidement construit. « Bahia » par exemple aurait pu être une pièce vaguement colorée pour signifier petitement le Nordeste ou l’Océan. Que nenni : c’est volumineux, dense, peuplé de mille et une notes qui vont bien au-delà d’un vulgaire déhanchement qui serait une injure aux musiques brésiliennes.

Il en va de même pour « Petite Louise » – seule reprise de cet album. Et pourtant, reprendre une composition de Petrucciani, notamment quand on est pianiste, il faut être sacrément aguerri et talentueux. Sans surprise, Laurent Coulondre revendique, sinon une filiation, du moins une grande admiration pour son prédécesseur dont la réalisation la plus explicite est la publication de Michel on My Mind en 2019. C’est précisément le titre du morceau qui suit immédiatement « Petite Louise », histoire de confirmer, si besoin était, que l’âme créatrice de Michel Petrucciani est là, vivante, exubérante aussi, et que l’univers poétique de Laurent Coulondre est le plus grand hommage qui soit pour en célébrer le sens musical.

Sauf qu’il serait erroné de n’appréhender la musique de Laurent Coulondre qu’à cette seule focale. Le pianiste déroule ici un solo comme un maestro. L’orchestration est certes minimale mais le propos est tellement abondant et riche qu’on y décèle mille et une voix qui s’affrontent, s’amendent et s’harmonisent.