Chronique

Manuel Bienvenu

Amanuma

Manuel Bienvenu (voc, p, elp, g) ; Thierry Chompré (dm) ; Jean-Michel Pirès (dm) ; Benoît Burello (b, voc) ; Masayuki Ishii (g) ; Manuel Decocq (vln, voc) ; Colin Ozanne (cl, saxes) ; Paul-Marie Barbier (vib) ; Charlie O. (org) ; Yann Louineau (g) ; Albain Lutaud (voc) ; Stéphane Rosière (voc) ; Christophe Hénin (voc)

Label / Distribution : Sphère

Il est des musiques qui souffrent de s’ouvrir à la lumière et d’autres qui s’y épanouissent en y révélant de nouvelles couleurs, de nouveaux atours que les nuances de gris rendaient avec moins de franchise ou d’évidence.

Après deux excellents albums dont les pochettes en noir et blanc s’accordaient assez bien avec l’influence pleine de brumes anglaises de l’Ecole de Canterbury, Manuel Bienvenu s’est fendu pour son récent Amanuma d’une pochette en forme de composition, manière de cabinet de curiosités lumineux et hétéroclite, hasardeux mais précis dans ses détails.
Cet élargissement chromatique n’est pas que de façade : aux bouleversements visuels répond une évolution musicale aux allures d’épanouissement.

Ses amours de toujours pour Elton Dean ou Robert Wyatt se trouvent aujourd’hui nimbées d’une lumière quasi californienne qui porte au grand jour les détails précieux - jusqu’à présent camouflés dans des recoins et dénichés après de longues explorations - de cet arrangeur miniaturiste, bricoleur et maniaque, aussi soucieux de notes que de textures (dans le cousinage de Vincent Artaud).

Entre le récapitulatif revisité des épisodes précédents (les hypnotiques progressions harmoniques au piano, les tapis denses et lointains des voix doublées, par exemple), le traditionnel habillage musical – sur mesure et haute couture – d’un texte de (et lu par) le poète, écrivain et géographe Stéphane Rosière (son troisième morceau en autant d’albums, un « album clandestin » construit au fil des disques, pour reprendre l’expression de Manuel Bienvenu), la révision des classiques (une reprise de Ben Watt, anglais artisan d’une pop aventureuse et suspendue qui a croisé voix et fer avec Robert Wyatt, une autre, tout en vélocité, de Michael Mantler), et les nouvelles audaces, car ces arrangements de cordes dont l’aspect luxueux n’est pas sans quelques inquiétantes étrangetés dans le son et la disposition, Amanuma confirme et révèle les singuliers talents de Manuel Bienvenu.