Chronique

Manuel Bienvenu

oh do we

Label / Distribution : Microcultures

Plus que jamais énigmatique, Manuel Bienvenu surgit de l’ombre à intervalles réguliers, comme si le temps finalement comptait peu. Après cinq ans d’un silence discographique sans doute calculé, le voici qui s’expose à nouveau avec un disque dont le titre minimaliste et bondissant, oh do we, se veut un hommage à la culture anglaise et son alliage d’humour, de poésie et de lyrisme. Les albums du monsieur sont rares tant par leur nombre que par la singularité de l’univers qu’il façonne en cultivant volontiers le mystère : cinq ou six tout au plus en une vingtaine d’années. Nous n’avions d’ailleurs pas manqué de souligner les qualités de ses dernières productions (Amanuma en 2015 et Glo en 2020) et mis en évidence ce petit quelque chose qui n’appartient qu’à lui, cet effet de séduction discrète difficile à caractériser d’un point de vue formel.

Comme il en allait de ses prédécesseurs, oh do we est une immersion dans l’imaginaire impressionniste d’un créateur amoureux du Japon (ici présent dans les inspirations autant que par certains des musiciens qui l’entourent) où il passe une partie importante de son temps. Ce disque est la manifestation d’un lyrisme de l’effleurement porté par la voix presque parlée de Manuel Bienvenu, par ailleurs multi-instrumentiste. Ici, n’attendez pas de coups d’éclat ni même de cri, on vous confie des secrets au creux de l’oreille. C’est un nouveau rendez-vous, presque confidentiel, avec celui qui s’avance comme un orfèvre artisan, très attaché au moindre détail et dont les influences passent par des sources multiples parmi lesquelles l’École anglaise du jazz rock, l’École de Canterbury, ou encore la grande Carla Bley. Il y a chez lui un idéal perfectionniste qui s’exprime dans un travail de modelage d’une pop haut de gamme teintée de jazz, soyeuse et caressante. Mais cette volonté de perfection ne nuit en rien à la sensibilité d’une musique dont le raffinement et l’élégance discrète ne sont pas les moindres des qualités. Déployant de son côté toute une palette d’instruments, Manuel Bienvenu peut compter pour mener à bien son entreprise sur la complicité de quelques-uns de ses camarades habituels tels que Jean-Michel Pires aux percussions, Théo Girard à la contrebasse, Thierry Chompré à la batterie, Colin Ozanne à la clarinette, ou encore Peggy Courchay au chant.

oh do we coule de source, comme l’eau d’une rivière préservée des salissures de notre monde. Il fait bon s’y attarder, pour oublier le temps qui passe et les nuages qui s’amoncellent. Les urgences pourront bien attendre un peu.

par Denis Desassis // Publié le 27 avril 2025
P.-S. :

Manuel Bienvenu (voc, g, p, kb, perc), Thierry Chompré (d, perc), Peggy Courchay (voc), Mitch Pires (bass drum), Tomoko Yoshino (vib, mar), Théo Girard (b), Benoît Burello (elb), Yann Louineau (g), Masayuki Ishii (g), Emerson Kitamura (org, synthà, Colin Ozanne (cl, clb).