Chronique

Marc Berthoumieux

Le bal des mondes

Marc Berthoumieux (acc), Giovanni Mirabassi (p), Louis Winsberg (g), Laurent Vernerey (elb), Stéphane Huchard (dms).

Label / Distribution : Sous la ville

Est-il bien raisonnable de donner le jour à un disque heureux ? Si la question peut traverser l’esprit, la réponse tombe vite : non ! Et c’est sans doute la raison pour laquelle on laisse tourner Le bal des mondes sur la platine avec cette petite joie au cœur qui adoucit le quotidien. Parce que Marc Berthoumieux et son accordéon viennent, sans le moindre doute, assouvir chez beaucoup d’entre nous un appétit de légèreté d’autant plus grand que la grisaille vous cerne. On peut à la fois avoir faim d’un jazz brûlant et ressentir la nécessité d’un apaisement. Avec un tel disque, c’est de douceur qu’il est question, on l’a compris. Peut-être faudrait-il parler de chanson.

Bien entouré par un groupe solide et prêt comme lui à décocher de larges sourires musicaux, le Savoyard, aussi à l’aise sur la scène jazz qu’aux côtés de têtes d’affiche de la variété française, déroule sa « petite musique » tendre et joyeuse. C’est l’occasion pour lui de rendre hommage à ses pairs/pères, tels Jo Privat ou Marcel Azzola (pas encore disparu au moment où le disque fut enregistré) et de saluer la mémoire de quelques proches partis trop tôt (Didier Lockwood, Maurane ou le chanteur accordéoniste Régis Gizavo). Sans oublier des vivants tels que Dee Dee Bridgewater ou Pat Metheny. Le bal des mondes est aussi le prétexte à des retrouvailles en droite ligne de l’au-delà puisque Claude Nougaro vient faire un petit tour pour une « Fleur Bleue » enregistrée peu de temps avant sa mort en 2003 et dont une version figurait déjà sur La Note Bleue, le dernier disque du chanteur toulousain. On n’oubliera pas de mentionner une fine équipe d’invités venus participer à la fête et parmi ceux-ci, l’omniprésent Pierre Bertrand au saxophone ainsi qu’à la direction d’un orchestre de dix-sept cordes.

Mélodies soignées, chantantes et parfois chantées ; sentiment de fluidité à l’écoute de chacun des quatorze rendez-vous du disque (avec un petit coup de cœur pour « Le bleu de Majorelle » dédié à Pat Metheny et qui est la suite de deux autres compositions dédiées à cette couleur) ; interprétations chaleureuses (« Jour de fête », « Vent d’Ouest », « Hip And Black ») ; invitations au voyage par delà les continents, jusqu’au Brésil (« Gizavo », « Tudo Bem »)… et c’est un rayon de soleil qui entre chez soi grâce à des compositions dont le raffinement tient avant toute chose à la célébration des amours et des amitiés à laquelle Marc Berthoumieux se livre avec une tendresse jamais dissimulée, y compris envers son propre fils (« Nilou »)… et une pointe de romantisme, aussi. Ce ne sont pas « Lina et Marcel » qui vous diront le contraire !

par Denis Desassis // Publié le 10 février 2019
P.-S. :

Musiciens invités : Majid Bekkas (voc), Jean-Luc Di Fraya (voc), Jean-Pierre Como (p), Jérôme Regard (b), Pierre Bertrand (ts), Sylvain Gontard (tp), Mino Cinelu (perc), André Charlier (perc), Claude Nougaro (en 2003) + Orchestre à cordes dirigé par Pierre Bertrand.