Chronique

Tony Paeleman

The Fuse

Tony Paeleman (kb), Julien Herné (elb), Stéphane Huchard (dms).

Label / Distribution : Shed Music

Troisième rendez-vous discographique en tant que leader pour Tony Paeleman : après Slow Motion (2013) et Camera Obscura (2017), voici paraître The Fuse sur le label Shed Music [1]. Y aurait-il une pointe de nostalgie chez le pianiste, qui s’illustre entre autres collaborations dans le Living Being de Vincent Peirani et dans les Circles d’Anne Pacéo ? On pourrait le penser à la seule vue d’un disque dont la pochette jaune vif montre le dessin façon BD d’un baladeur à cassette. Un objet d’autrefois qu’on imagine volontiers rangé au rayon des accessoires d’une époque suscitant quelques regrets. Surtout que la musique, qu’on définira à grands traits comme un savant cocktail énergétique aux couleurs synthétiques et électriques, s’abreuve sans aucun doute à différentes sources anciennes déversant leur groove tenace, parmi lesquelles figure en bonne place le Herbie Hancock des années 70, Head Hunters en tête (et peut-être même celui de « Rock It », un peu plus tard). Est-ce là cette « mémoire analogique » dont il est question d’emblée (« Analog Memory ») ? On peut le supposer…

Ceci pour souligner la santé radieuse et la vision qu’on ressent comme optimiste de la part d’un musicien régnant avec autorité sur ses claviers, son fidèle Fender Rhodes au centre du jeu, en amoureux de la mélodie tout autant que d’un beat obstiné qui vous entraînerait en deux temps trois mouvements - à condition que vous l’acceptiez toutefois parce qu’il faut tenir une bonne forme physique - du côté d’un dance floor aujourd’hui banni par la réglementation sanitaire en vigueur (« Call Me Fonzy » ou « Havoc », par exemple). Les claviers sont à la fête, les séquenceurs veillent sur le tempo et le climat peut aussi pencher du côté des musiques atmosphériques, voire spatiales (« Awol » et son synthétiseur qui semble tourner au-dessus de nos têtes). On accordera une mention particulière à « Afterglow » et sa montée en tension qui met en évidence la puissance du jeu de Julien Herné (autre compagnon du Living Being) et de sa basse grondante, comme propulsée par un moteur alimenté par un carburant zeuhl à peine revisité. Le troisième larron de l’équipe en action n’est pas en reste : Stéphane Huchard constitue de son côté une assurance pulsation à toute épreuve.

En anglais, le mot « fuse » signifie fusible. L’origine du mot provient de la fusion d’un matériau conducteur sous l’effet d’une élévation de température provoquée par une surintensité. En musique, la fusion renvoie souvent à l’introduction d’une bonne dose d’électricité dans un noyau de jazz ou de funk. Tout cela est cohérent, finalement. Avec ce troisième rendez-vous, Tony Paeleman s’affirme comme le parfait conducteur de ses passions rythmiques, il maîtrise le jeu pour parer aux risques d’un court-circuit, sans oublier de considérer quand il le faut le monde qui nous entoure avec une sorte de romantisme électrique (« Pulses »). Autant dire que The Fuse fait du bien là où il passe. Du côté de chez Citizen Jazz, nous pensons qu’il était important de vous mettre au courant…

par Denis Desassis // Publié le 14 février 2021
P.-S. :

[1Fondé par Tony Paeleman lui-même, avec Pierre Perchaud et Christophe Panzani.