Scènes

Marcus Miller en Renaissance d’après Miles

Pour clore le Rhino Jazz Festival et anticiper sur Jazz à Vienne, Marcus Miller a prolongé à Lyon sa tournée de Renaissance, du nom de cet album aux allures de remise en cause et de passage de témoin.


Pour clore le Rhino Jazz Festival et anticiper sur Jazz à Vienne, Marcus Miller a prolongé à Lyon sa tournée de Renaissance, du nom de cet album aux allures de remise en cause et de passage de témoin. Avec lui quelques jeunes pousses assidues, ravies d’en découdre sur des thèmes déjà cultes.

On l’avait quitté l’an dernier sur la scène du Théâtre antique de Vienne pour un magnifique Tribute to Miles aux côtés de Wayne Shorter et Herbie Hancock - enfants de Miles sans nostalgie ni tourment mais soucieux de le prolonger, de l’amplifier. Ce soir-là à Lyon, à la fin d’une ample tournée qui l’a emmené aux quatre coins de l’Europe, on pouvait redouter une certaine lassitude, un sentiment de routine. Mais c’était sans compter avec ce que représente pour Marcus Miller, particulièrement apprécié en France, ce Renaissance aux allures de remise en cause et de bilan personnel. C’est lui, en effet, qui sert de fil rouge à ce concert, le dernier du Rhino Jazz Festival, et presque le premier de Jazz à Vienne « hiver » - Marcus Miller sera présent cet été à Vienne (scène qui lui réussit particulièrement), avec une formation renforcée.

Marcus Miller Photo Christophe Charpenel

Pour qui aurait encore un doute, le fond de scène reproduit au format géant la pochette du disque. Pour tous ceux qui écoutent en boucle « Detroit », « Redemption », « Mister Clean », ce sont d’abord de jolies retrouvailles avec cette phalange de talentueux gamins (moyenne d’âge 23 ans) dénichés à New York qui assurent d’un bout à l’autre. Etrange continuité : il y a 20 ou 30 ans, c’était Miles Davis qui, sur scène, se rapprochait du jeune bassiste pour booster l’ensemble et communier avec lui. En 2012, Marcus Miller procède de même avec Alex Han (sax), Adam Agati (gr) ou Lee Hogans (tp), qui ne cessent d’apparaître/disparaître au gré des thèmes, tantôt cuivres, tantôt cordes. Bref, de danger d’enlisement, point. Du risque de basse exagérément présente, non plus. Même si les premiers thèmes sont tout de même un peu téléphonés, on a là une jolie mécanique de funk jazz d’où la guitare est quasi absente. Car tout est concentré dans les cuivres, qui s’efforcent de faire oublier leur petit nombre, et dans leur dialogue avec la basse qu’avive constamment Louis Cato, énergique petit diable qui ne cesse de mettre du drums sur le feu.

Commencé avec ce copié-collé de Renaissance, fusion pétrie d’autres réminiscences piochées à tous les étages funk-blues-rock, l’ambiance change du tout au tout au bout d’une heure, lorsque le musicien attaque « Gorée », du nom de cette île d’Afrique qui fut un des principaux points de départ de la traite des Noirs, et donc de ses aïeux. Fini, le show bien rodé : on passe à un tête à tête attachant avec la salle - comble - et marqué par les interventions toujours plus incisives et personnelles d’Adam Agati ; celles-ci s’entremêlent aux relances de Miller, à l’évidence séduit par cette contestation venue de sa gauche. Enfin, le concert prend des allures autobiographiques lorsque le bassiste reprend « Tutu », thème fétiche de Miles datant d’il y a un quart de siècle qui exprime avant tout l’étroite complicité qui le liait à son jeune bassiste. Mais aussi lorsqu’il délaisse les cinq basses postées derrière lui comme autant de sentinelles… pour un pas de deux à la clarinette basse - qui fut son premier instrument avant qu’il ne cède aux sirènes de la cinq cordes, une fois son envol pris, dix ou quinze ans plus tard.